Comment l’expérience du covid-19 me fait porter un nouveau regard sur ma vocation ?
Frère Gilles, Prieur à l’Abbaye cistercienne Notre Dame de Lérins.

« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » (Jn 12, 24)
Ce verset de l’Evangile de Jean est une des clefs pour comprendre le vœu de stabilité que professent les moines au jour de leur engagement. Pourtant, plus loin dans le même Evangile, Jésus affirme devant les Douze Apôtres :
« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. » 15, 26
Alors, « mourir » ou « aller » ?
Il faut se rendre au tout dernier chapitre de cet Evangile pour entendre la réponse de Jésus à Pierre, au sujet de Jean : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi. » (21, 22)
Oui, on peut mourir à soi-même, à la part d’égoïsme qui est en soi, pour entrer en communion, pour « faire Eglise ».
Ceci bien posé, il faut accepter de le vivre au quotidien, consentir à ce que le fruit principal de ma vie ne soit pas dans l’action extérieure, mais dans le travail souvent caché de la grâce qui rend le disciple plus ressemblant à son Maître et la communauté monastique plus transparente de cette Eglise pour laquelle Jésus « s’est livré » (Eph. 5, 25).
Le confinement actuel, sans aucun doute moins exigeant ici au monastère que pour bien des gens en France et partout dans le monde, me permet de me rappeler ces vérités qui ont animé ma vie monastique depuis le début et d’y consentir à nouveau. J’ajoute que dans cette démarche je me sens soutenu bien sûr par la communauté mais aussi par les nombreux témoignages de personnes extérieures à elle qui m’assurent plus que jamais d’une communion dans la prière, l’affection et la charité fraternelles.

Fraternellement, Frère Gilles