Evoquer le rapport de la CIASE avec les jeunes

« Faut-il parler du rapport de la CIASE avec les jeunes ? »

OUI bien sûr ! Ne pas le faire serait renouer avec la chape de silence selon laquelle « on ne parle pas de ces choses-là », et que le rapport de la CIASE a levée.

Parlons-en donc, écoutons surtout, en nous adaptant bien sûr au groupe présent.

Voici quelques pistes pour aborder une telle séance, ou plusieurs séances. Les champs sont divers, la démarche proposée n’est pas chronologique : à chacun de s’adapter en fonction de ce qu’il sent de son groupe.

SOMMAIRE

♦ S’informer

♦ Accueillir les émotions

♦ Prévenir

♦ Comprendre la nature de l’Eglise

♦ Ecouter

♦ Prier

EN AMONT

Dans notre monde de petites phrases, il convient d’appréhender le réel dans toute sa complexité. Pour soi-même d’abord, en amont de la rencontre avec les jeunes, afin de bien comprendre de quoi il s’agit, quels sont les enjeux, les propositions.

Pour cela, on pourra lire le rapport lui-même, ou au moins son résumé. On pourra aussi visionner la remise du rapport sur KTO (la présentation par le président Sauvé se trouve entre 27:37 et 1:18:05), ou lire d’autres documents sur le site de la CIASE, en particulier De victimes à témoins. On pourra aussi se référer aux nombreux articles de presse sur le sujet, ainsi qu’aux prises de parole des évêques.

AVEC LES JEUNES

Avec les jeunes, il sera utile de préciser le statut de la commission, l’origine des chiffres … de comprendre aussi l’ampleur et la nature des préconisations.

EN AMONT

Entre animateurs, prendre le temps du silence, de l’écoute réciproque. Soyons prévenants les uns envers les autres, toujours attentifs sur ces questions au fait que les paroles lues ou entendues peuvent réveiller un souvenir particulièrement douloureux ou susciter une émotion incontrôlable.

Chacun dans l’équipe doit pouvoir exprimer qu’il ne se sent pas capable d’animer la séance avec les jeunes sur ce sujet, il conviendra alors de voir comment s’organiser en équipe, avec l’aumônerie voisine, avec l’équipe diocésaine …

AVEC LES JEUNES

Avec les jeunes, la même vigilance est de rigueur. La présence dans la salle ou à proximité d’un écoutant formé permettra de sécuriser chacun. Prendre le temps de laisser s’exprimer la révolte, la colère, le chagrin, l’incompréhension …

On peut le faire par la parole, on peut aussi laisser les mots ou les images s’exprimer sur une grande nappe de papier ou des panneaux au mur. D’autres techniques peuvent permettre l’expression des émotions, tel le photolangage.

EN AMONT

Depuis plusieurs années maintenant sont mis en place divers outils de prévention, notamment des formations, le livret Lutter contre la pédophilie, les ressources disponibles sur le site internet de la CEF etc.

« Bien traiter les enfants et les jeunes demande du courage et des efforts prolongés : redire haut et fort les interdits, rappeler les exigences de la loi, réhabiliter les fondements même de notre vie sociale que sont la distinction des générations et la différence des sexes. Bien traiter tous les enfants et les jeunes ne peut être que l’affaire de tous. Un regard nouveau s’impose, fait d’ouverture, d’esprit de collaboration, de volonté d’écoute. Il réclame aussi sollicitude, tendresse, respect. » (CEF, Lutter contre la pédophilie, p. 11).

Il est nécessaire d’instaurer entre animateurs une relation de confiance, une parole simple et directe qui permette régulièrement une relecture des pratiques et une sensibilisation à ces questions.

Au moment d’aborder avec les jeunes le rapport de la CIASE, il peut être bon de faire mémoire de ce que nous faisons, localement, en ce domaine.

AVEC LES JEUNES

La confiance pourra avoir été rompue, avec les jeunes eux-mêmes ou avec leurs familles. Celle-ci ne se décrète pas et devra alors être patiemment retissée et méritée. Mais d’ores et déjà, on pourra (sans céder à la tentation du « chez nous ça ne peut pas arriver ») échanger avec les jeunes sur la vigilance que leurs animateurs ont en équipe : on ne laisse pas un jeune seul avec un animateur dans une pièce fermée, on parle entre nous de la façon dont on se comporte avec vous, on est disponibles pour ceux qui ont besoin de nous parler, on prend des nouvelles etc. On peut aussi évoquer la charte des animateurs, si un tel document existe dans le diocèse. Il ne s’agit pas de se méfier de tout ni de tout le monde, mais de respecter ce qu’en Eglise on nomme la chasteté : la juste distance des relations. Par là, on entre dans l’éducation affective des jeunes : la chasteté, cela les concerne aussi !

Être vigilants aux signaux émis par tel ou tel jeune en détresse, ou tel ou tel adulte dont le comportement peut sembler inapproprié, cela concerne aussi les jeunes, qui doivent pouvoir trouver une porte ouverte pour exprimer leur inquiétude.

EN AMONT

Comment est-ce que nous comprenons l’Eglise ? Qu’est-elle pour nous ? Une institution ? Le peuple de Dieu ? Une structure hiérarchique ? … Comment en sommes-nous participants ? Comment comprenons-nous : « Je crois à la sainte Eglise catholique » ?

A l’heure où celle-ci est mise en cause par les révélations du rapport, interpelée par le « caractère systémique » des violences, il est bon de s’interroger entre adultes sur ce que nous disons de l’Eglise.

AVEC LES JEUNES

« Mais tandis que le Christ saint, innocent, sans tache (He 7, 26) ignore le péché (2 Co 5, 21), venant seulement expier les péchés du peuple (cf. He 2, 17), l’Église, elle, enferme des pécheurs dans son propre sein, elle est donc à la fois sainte et toujours appelée à se purifier, poursuivant constamment son effort de pénitence et de renouvellement. » (Lumen Gentium 8)

On pourra se préparer à répondre à quelques questions sur l’Eglise, ou à réagir sur tel ou tel propos. On veillera à ne pas prétendre avoir réponse à tout, à ne pas étouffer la légitime indignation sous des semblants d’explications structurelles. Mais il peut être utile d’évoquer quelques points de l’ecclésiologie de Vatican II : peuple de Dieu, peuple des baptisé(e)s, Eglise sainte faite de pécheurs, et aussi du pape François : l’Eglise hôpital de campagne (entretien avec le Père A. Spadaro, 19 août 2013) …  L’Eglise est corps du Christ dans notre monde, un corps qui souffre avec toutes les victimes des violences, un corps qui est blessé par le péché – toujours, mais particulièrement en ces jours où est révélé le péché très grave de certains de ses responsables –, mais aussi un corps capable de se relever par la grâce et dans la communion.

« Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie. » (1Co, 12, 26)

EN AMONT

Les recommandations de la CIASE touchent à la vision que l’Eglise a d’elle-même, sur les ministères, sur les pratiques, sur les enseignements … A cet égard, l’ouverture du synode sur la synodalité est une réelle bénédiction. On pourra lire le document préparatoire, mais aussi le beau discours du pape François du samedi 9 octobre.

AVEC LES JEUNES

Il est important de se placer dans une attitude d’écoute des jeunes. A l’écoute de leurs émotions, de leurs réactions, de leurs témoignages, de leurs propositions. On peut imaginer un temps d’échange de type synodal, à partir de quelques questions inspirées du document préparatoire, par exemple :

Quand nous disons « notre Eglise », qui en fait partie ? [Comment voyons-nous la place du prêtre dans notre communauté ?]

Comment les laïcs sont-ils écoutés, en particulier les jeunes et les femmes ? Parvenons-nous à identifier les préjugés et les stéréotypes qui font obstacle à notre écoute ?

Qui parle au nom de la communauté chrétienne, [de l’aumônerie, du mouvement] et comment ces personnes sont-elles choisies ?

Quelles sont les pratiques de travail en équipe et de coresponsabilité [dans notre aumônerie, notre communauté] ?

On peut procéder ainsi :

      • En petits groupes, avec un animateur, prendre d’abord un temps de silence. Chacun réfléchit à ce qu’il a envie d’exprimer.
      • Chacun parle à son tour, dans un temps limité. Les autres écoutent.
      • On fait silence pour intérioriser tout ce qui a été dit.
      • Chacun peut relever un point qui le déplace dans ce qui a été dit
      • Dans un dernier temps on essaie de dégager un ou deux points importants de l’échange qu’on partagera avec le grand groupe.

C’est avec la grâce de Dieu et le souffle de l’Esprit Saint que nous pourrons, ensemble, surmonter cette épreuve, en tirer les conséquences et rebâtir notre Eglise.

Dans la délicatesse, en laissant sa place à la révolte, à la colère, entrons dans le silence, dans la contemplation du Christ en croix, dans l’intercession pour les personnes victimes, et pour toute l’Eglise.

Demandons à l’Esprit Saint de nous donner sa paix, et le courage de nous mobiliser, chacun à notre place, pour bâtir une Eglise plus sûre et plus belle.