Prier pour les vocations avec la Vierge de Messina
Le thème retenu pour la 56ème journée mondiale de prière pour les vocations, qui a lieu le dimanche 12 mai 2019, est le « Oui » de Marie, dans la continuité des JMJ mariales de Panama.
En collaboration avec Laura Hamant, Responsable du blog Narthex, édité par le Service National de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle, nous vous proposons la lecture du tableau d’Antonello da Messina : la Vierge de l’Annonciation.
La Vierge de l’Annonciation, Antonello da Messina
Antonello da Messina (1430-1479) est un peintre italien originaire de Messine, une ville de Sicile. Au cœur de la Renaissance, il fait partie de ces artistes qui ont renouvelé la peinture, apportant des formes innovantes et de nouvelles inspirations échangées dans toute l’Europe. Après avoir été élève dans un atelier de Naples, ville connue pour être un carrefour aussi bien politique qu’artistique et le point de convergence de maîtres flamands et espagnols, il commence à travailler pour son propre compte et à remplir son carnet de commande. Il est l’un des premiers peintres italiens à utiliser la peinture à l’huile et à démontrer à ses contemporains l’intérêt de cette nouvelle technique, qui permet un rendu des couleurs beaucoup plus subtil que ce qui se faisait jusqu’alors.
L’artiste Antonello da Messina est notamment connu pour ses représentations de personnages bibliques en petit format, dans un cadrage très resserré avec en général un fond uni de couleur noir, à la façon de portraits de nobles qu’il avait également l’habitude de réaliser. Ce parti pris audacieux lui donne l’opportunité de se concentrer sur un nombre restreint de détails du visage et des mains, et d’exprimer avec force les émotions des sujets. On lui connaît par exemple plusieurs tableaux du « Christ à la colonne » ou « Ecce Homo », où le maître laisse transparaître de façon très puissante la souffrance et la tristesse du Christ. Il y a une attention particulière aux émotions humaines qui commence à faire son apparition dans la peinture à cette époque.
La Vierge de l’Annonciation fait partie de ce type d’œuvres, et elle est en quelque sorte un témoignage de l’artiste au sommet de son art et de son talent, réalisée d’ailleurs à la fin de sa vie, vers 1475-1476. C’est une huile sur toile de 45 par 34,5 cm, qui est conservée à Palerme en Sicile.
Que voit-on ?
Sur le tableau d’Antonello, on voit une jeune femme se détacher sur un fond noir totalement uni. Le cadrage est resserré au niveau du buste, devant elle un lutrin, sur lequel un livre ouvert est posé. De toute évidence, la Vierge Marie était en train de lire lorsque quelque chose ou quelqu’un a retenu son attention, la poussant à lever les yeux de sa lecture.
Elle est vêtue d’une robe rouge et d’un grand voile bleu ciel qui lui couvre la tête. De sa main gauche elle retient celui-ci, dans un geste signifiant sa pudeur ; sa main droite est ouverte, paume vers le bas, dans un geste délicat qui exprime une salutation, une acceptation, une confiance.
C’est son visage qui est le plus frappant dans la composition, mis en valeur par le voile bleu qui l’encadre. C’est un visage d’une très grande douceur, les traits sont fins et délicats. Quelles émotions peut-on percevoir sur le visage de la Vierge ? On perçoit une forme de recueillement, une sérénité, une forme de joie peut-être dans un sourire tout juste esquissé.
On discerne, par les ombres, par la position des yeux et de la main de la Vierge, que l’objet de son attention (et la source lumineuse), se situe à sa droite (à notre gauche pour nous observateurs).
Comment sait-on qu’il s’agit d’une Annonciation ?
Les scènes bibliques sont comme des recettes de cuisine ; on sait par exemple que pour une Annonciation, il faut la Vierge Marie, et il faut l’Ange Gabriel ; souvent on trouve aussi la colonne, symbole du Christ, la fleur de Lys et le jardin clos, symboles de la pureté de Marie, la colombe du Saint-Esprit… L’Annonciation de Fra Angelico contient par exemple tous ces éléments.
Or, rien de tout cela ne figure ici. La Vierge n’a même pas de nimbe (auréole), emblème de sainteté, car c’est avant tout le portrait d’une jeune fille humble de Nazareth, dont la vie va être totalement bouleversée !
Il y a peu d’éléments de décor ou d’objets dans cette scène, c’est le souhait du peintre qui n’a voulu montrer que l’essentiel. Les seuls éléments présents en dehors de la Vierge elle-même sont le lutrin et le livre posée devant elle. Souvent dans les scènes peintes ou sculptés représentant l’Annonciation, la Vierge est occupée à lire lorsque l’Ange Gabriel survient (c’est le cas sur celle de Fra Angelico, mais aussi sur l’autre scène peinte par Antonello de Messine).
Dans notre peinture, le livre en particulier permet d’établir sans aucun doute la nature de la scène représentée : on y voit un texte que nous sommes bien en peine de déchiffrer. Pourtant, ce n’est pas du charabia ! Les historiens de l’art ont été en mesure de lire ce qui est écrit : « C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous). » (Is 7, 14). C’est la prophétie d’Isaïe dans l’Ancien Testament, qui annonce la conception du Christ.
Deux autres éléments plus difficiles à discerner sont également des indices sur la nature de la scène peinte dans ce tableau : les voyez-vous ?
– Il y a tout d’abord la lumière. D’après les ombres (sur le front de Marie par exemple), il est facile de dire que la source lumineuse provient de la gauche (à la droite de la Vierge). La Vierge a d’ailleurs le regard tourné vers cette direction même si on sent qu’elle n’a pas les yeux fixés sur quelque chose ou quelqu’un en particulier.
– Et puis il y a une brise, un souffle qui soulève légèrement les pages du livre de Marie.
La lumière et le souffle, que cela vous évoque-t-il ?
Qu’est-ce qui rend cette œuvre exceptionnelle ?
Sortant des représentations « classiques » de l’Annonciation, Antonello de Messine crée ici un chef-d’œuvre exceptionnel pour l’époque, invitant à prier différemment. Plutôt qu’une scène formatée, comme une image d’Epinal de l’Annonciation qui n’apporterait rien de réellement nouveau à la piété personnelle et à la prière, il propose une figure simple et humble, humaine, à notre portée. La Vierge, avant d’être mère de Dieu, est une jeune fille « comme les autres » appelée à une vocation exceptionnelle. En supprimant presque tout élément de décor, l’œuvre nous invite à nous sentir proche – presque d’égal à égal – avec Marie.
Antonello de Messine a peint une autre Vierge de l’Annonciation, très semblable et pourtant assez différente. On pourrait presque croire que les tableaux sont deux temps successifs de l’annonce de l’Ange Gabriel à Marie. Sur notre peinture c’est davantage l’acceptation qui anime les traits de la Vierge, alors que sur le tableau de Munich, on perçoit clairement la surprise (bouche ouverte). Et en même temps, le geste des mains croisées sur la poitrine nous dit : je suis prête et j’accepte.
Que dit la Bible ?
L’Annonciation est racontée dans l’Evangile de saint Luc (Lc 1, 26-38) :
[…] L’Ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. »
À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Alors l’ange la quitta.
Pour aller plus loin :
Antonello de Messine, La Vierge de l’Annonciation, vers 1475, Tempera et huile sur bois, 45 × 34,5 cm, Galleria Regionale della Sicilia (Palermo).
Antonello de Messine, La Vierge de l’Annonciation, vers 1476-1477, huile sur panneau de tilleul, 42,5 × 32,8 cm, Munich, Alte Pinakothek.
Fra Angelico, L’Annonciation, 1433-1434, tableau en tempera sur panneau de 175 cm × 180 cm, musée diocésain de Cortone.
Antonello de Messine, Le Christ à la colonne, entre 1476 et 1478, huile sur bois, 30 x 21 cm, musée du Louvre
Antonello de Messine, Ecce Homo, vers 1473, huile sur bois, 48,5 cm x 38 cm, Collegio Alberoni, Piacenza.
Fiche réalisée en collaboration avec Laura Hamant, Responsable de http://www.narthex.fr
Site édité par le Service National de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle de la Conférence des évêques de France.