Homélie de Benoît XVI pour la journée de la vie consacrée (2009)

Monsieur le cardinal,
Vénérés frères dans l’épiscopat et le sacerdoce,
chers frères et sœurs!

C’est avec une grande joie que je vous rencontre au terme du saint Sacrifice de la Messe, en cette fête liturgique qui, depuis désormais treize ans, réunit les religieux et les religieuses pour la Journée de la vie consacrée. Je salue cordialement le cardinal Franc Rodé, en lui témoignant ma reconnaissance particulière ainsi qu’à ses collaborateurs de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, pour le service qu’ils rendent au Saint-Siège et à ce que j’appellerais l' »univers » de la vie consacrée. Je salue avec affection les supérieurs et les supérieures généraux ici présents et vous tous, frères et sœurs, qui sur le modèle de la Vierge Marie, apportez dans l’Eglise et dans le monde la lumière du Christ, à travers votre témoignage de personnes consacrées. En cette année paulinienne, je fais miennes les paroles de l’Apôtre:  « Je rends toujours grâce à mon Dieu quand je fais mention de vous:  chaque fois que je prie pour vous tous, c’est toujours avec joie, à cause de ce que vous avez fait pour l’Evangile en communion avec moi, depuis le premier jour jusqu’à maintenant » (Ph 1, 3-5). Dans ce salut, adressé à la communauté chrétienne de Philippes, Paul exprime le souvenir affectueux qu’il conserve de ceux qui vivent personnellement l’Evangile et s’engagent à le transmettre, en unissant au soin de la vie intérieure la difficulté de la mission apostolique.

Dans la tradition de l’Eglise, saint Paul a toujours été reconnu comme le père et le maître de ceux qui, appelés par le Seigneur, ont fait le choix d’une consécration inconditionnée à Sa personne et à son Evangile. Divers Instituts religieux prennent leur nom de saint Paul et puisent en lui une inspiration charismatique spécifique. On peut dire que pour toutes les personnes consacrées, hommes et femmes, il répète une invitation franche et affectueuse:  « Prenez-moi pour modèle; mon modèle à moi, c’est le Christ » (1 Co 11, 1). En effet, qu’est-ce que la vie consacrée, sinon une imitation radicale de Jésus, une « sequela » totale de sa personne? (cf. Mt 19, 27-28) Eh bien, en tout cela, Paul représente une médiation pédagogique sûre:  très chers amis, l’imiter en suivant Jésus représente une voie privilégiée pour répondre jusqu’au bout à votre vocation de consécration spéciale dans l’Eglise.

De sa propre voix, nous pouvons même connaître un style de vie qui exprime la substance de la vie consacrée inspirée par les conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Dans la vie de pauvreté, il voit la garantie d’une annonce de l’Evangile réalisée en totale gratuité (cf. 1 Co 9, 1-23), alors qu’elle exprime, dans le même temps, la solidarité concrète envers les frères dans le besoin. A cet égard, nous connaissons tous la décision de Paul de subvenir à ses besoins grâce au travail de ses mains et son engagement pour la collecte en faveur des pauvres de Jérusalem (cf. 1 Th 2, 9; 2 Co 8-9). Paul est également un apôtre qui, accueillant l’appel de Dieu à la chasteté, a donné son cœur au Seigneur de manière indivise, pour pouvoir servir ses frères avec une liberté et un dévouement encore plus grands (cf. 1 Co 7, 7; 2 Co 11, 1-2); en outre, dans un monde où les valeurs de la chasteté chrétienne n’étaient pas reconnues de plein droit (cf. 1 Co 6, 12-20), il offre une référence sûre quant à la conduite. En ce qui concerne ensuite l’obéissance, il suffit de noter que l’accomplissement de la volonté de Dieu et « sa préoccupation quotidienne, le souci de toutes les Eglises » (2 Co 11, 28) ont animé, façonné et consommé son existence, devenue un sacrifice agréable à Dieu. Tout cela le conduit à proclamer, comme il l’écrit aux Philippiens:  « En effet, pour moi, vivre c’est le Christ et mourir est un avantage » (Ph 1, 21).

Un autre aspect fondamental de la vie consacrée de Paul est la mission. Il appartient entièrement à Jésus pour appartenir, comme Jésus, à tous; ou mieux, pour être Jésus pour tous:  « Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns » (1 Co 9, 22). A lui, qui est si étroitement uni à la personne du Christ, nous reconnaissons une profonde capacité de conjuguer la vie spirituelle et l’action missionnaire; en lui, les deux dimensions se réfèrent l’une à l’autre. Et ainsi, nous pouvons dire qu’il appartient à cette foule de « constructeurs mystiques », dont l’existence est à la fois contemplative et active, ouverte sur Dieu et sur ses frères pour accomplir un service efficace pour l’Evangile. Dans cette tension mystique et apostolique, il me plaît de souligner le courage de l’Apôtre face au sacrifice lorsqu’il affronta des épreuves terribles, jusqu’au martyre (cf. 2 Co 11, 16-33), la confiance inébranlable fondée sur la parole de son Seigneur:  « Ma grâce te suffit:  ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Co 12, 9-10). Son expérience spirituelle nous apparaît ainsi comme la traduction vécue du mystère pascal, qu’il a intensément analysé et annoncé comme forme de vie du chrétien. Paul vit pour, avec et dans le Christ. « Avec le Christ – écrit-il -, je suis fixé à la Croix:  je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20); et aussi:  « En effet, pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage » (Ph 1, 21).

Cela explique pourquoi il ne se lasse pas d’exhorter à faire en sorte que la parole du Christ habite en nous dans sa richesse (cf. Col 3, 16). Cela fait penser à l’invitation qui vous est adressée par la récente Instruction sur Le service de l’autorité et l’obéissance, à chercher « chaque matin le contact visuel et constant avec la Parole qui en ce jour est proclamée, en la méditant et en la conservant dans votre cœur comme un trésor, en en faisant la base de chaque action et le premier critère de chaque choix » (n. 7). Je souhaite donc que l’Année paulinienne nourrisse encore davantage en vous l’intention d’accueillir le témoignage de saint Paul, en méditant chaque jour la Parole de Dieu avec la pratique fidèle de la lectio divina, en priant « par des psaumes, des hymnes et de libres louanges… avec votre reconnaissance » (cf. Col 3, 16). Qu’il vous aide en outre à réaliser votre service apostolique dans et avec l’Eglise, dans un esprit de communion sans réserve, en faisant don aux autres de vos propres charismes (cf. 1 Co 14, 12), et en témoignant en premier lieu du plus grand des charismes qui est la charité (cf. 1 Co 13).

Chers frères et sœurs, la liturgie d’aujourd’hui nous exhorte à nous tourner vers la Vierge Marie, la « Consacrée » par excellence. Paul parle d’Elle avec une formule concise mais efficace, qui en décrit la grandeur et la tâche:  elle est la « femme » dont, dans la plénitude des temps, est né le Fils de Dieu (cf. Ga 4, 4). Marie est la mère qui, aujourd’hui, au Temple, présente le Fils au Père, donnant suite également en cela au « oui » prononcé au moment de l’Annonciation. Que ce soit encore elle la Mère qui nous accompagne et qui nous soutienne, nous fils de Dieu et ses fils, dans l’accomplissement d’un service généreux à Dieu et à nos frères. Dans ce but, j’invoque son intercession céleste, alors que de tout cœur je donne ma Bénédiction apostolique à vous tous et à vos familles religieuses respectives.

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