Paix, environnement et mode de vie
Nous vivons une période bien agitée et ….inquiétante à plusieurs points de vue : le conflit irakien entre sunnites et chiites n’en finit pas, les prévisions alarmistes relatives aux changements climatiques se confirment, les ressources halieutiques régressent à une vitesse vertigineuse dans certaines régions du globe, où allons-nous ?
Introduction
Sans vouloir peindre le diable sur la muraille, il faut bien reconnaître que ce XXIe siècle s’ouvre dans un climat général qui nous interpelle à plus d’un titre.
Ecartons, dans la présente réflexion, le problème des menaces terroristes et ce qui en découle, quoiqu’il soit évident que leur origine et leur développement ne soient pas uniquement liés à un fanatisme religieux, mais aussi à des conditions de misère criante liées à un sous-développement dramatique.
Oui, le développement, avec toutes les formes qu’il peut revêtir, tous les domaines où il s’applique et tous les acteurs qui interviennent, est au cœur des problèmes et des espérances de notre temps.
Etat des lieux
Quelles sont les véritables menaces qui pèsent sur notre environnement aujourd’hui ? Quelle est leur ampleur ?
La plus grande et la plus immédiate concerne certainement la perte de diversité biologique dans presque toutes les régions du monde. Elle est spectaculaire dans les régions tropicales, où la destruction des forêts continue de progresser malgré le développement d’une certaine prise de conscience du massacre et des politiques aberrantes qui s’y développent. Détruire une telle richesse biologique pour y produire du soja qui nourrira les bœufs de nos hamburgers est tout simplement criminel. Nous connaissons à peine le quart des espèces animales et végétales qui peuplent ces forêts, dont nous exploitons pourtant déjà près de la moitié pour en faire des produits pharmaceutiques, des médicaments, des colorants, des plastiques, du caoutchouc, du bois d’ébénisterie…En France, nous subissons cette même perte de biodiversité, mais elle est beaucoup plus discrète, parce que les causes sont moins spectaculaires. Certes, nous devons constater la régression constante des zones humides, ces précieuses éponges régulatrices dans le cycle de l’eau qui devaient éviter les grandes sécheresses. Mais plus sournois est l’effet des intrants de plus en plus nombreux dans les sols : engrais chimiques, pesticides de toutes sortes, métaux lourds… Guère étonnant que dans plusieurs régions de France l’usage de l’eau du robinet soit déconseillé pour la fabrication du biberon des nourrissons. Arasement des talus, grandes monocultures, « correction » des cours d’eau, autant d’interventions humaines qui réduisent la diversité des espèces, tant animales que végétales, dans nos campagnes. Elles sont pourtant nécessaires, quelquefois indispensables, au bon fonctionnement de nos écosystèmes, à leur stabilité.
Pensons simplement aux conséquences du bétonnage systématique dans certaines régions et au déboisement dans certaines zones de collines ou montagneuses : éboulements, avalanches, inondations trop souvent graves.
Quant aux changements climatiques, dont nous commençons probablement à connaître les premiers effets, encore très bénins, ils se révèlent extrêmement dangereux parce que les principaux gaz à effet de serre qui en sont à l’origine ont une durée de vie de quelques décennies.
Si nous arrêtions aujourd’hui toutes les émissions, le réchauffement de l’atmosphère se poursuivrait pendant 20 ou 30 ans. Les conséquences de ce réchauffement ne concernent malheureusement pas seulement l’élévation du niveau de la mer et des modifications quelquefois radicales, localement, des conditions météorologiques, mais tous les aspects de la vie sur terre. Minime illustration de ce jour, 19 avril 2007 : l’on signale l’extension de l’aire de répartition des chenilles processionnaires vers le Nord, où elles risquent d’être avalées par le bétail provoquant les mêmes symptômes que la terrible fièvre aphteuse, avec toutes les conséquences que cela implique.
Pourquoi une telle situation
L’Homme a de tout temps modifié son cadre de vie. Cela a commencé, il y a quelques millénaires, avec la hache, le feu qui lui ont permis de déboucher sur la culture ; un grand pas a été franchi avec la mise au point des armes à feu, qui a provoqué la destruction de centaines d’espèces d’oiseaux et de mammifères, surtout en Afrique, et chez nous le lynx, le loup, le gypaète barbu et dans de nombreuses régions l’ours, la loutre…
Ce qui est plus grave, c’est qu’aujourd’hui l’Homme dispose de moyens techniques d’une telle ampleur et d’une telle diversité, que l’action prédatrice sur la Nature prend des dimensions absolument incompatibles avec les possibilité régénératrices de cette dernière ; et nous ne parlons pas de l’épuisement des ressources non renouvelables, comme les hydrocarbures, les minerais…
Pourquoi une telle situation ? Parce qu’à tous les niveaux, l’Homme veut plus. Une expression allemande décrit très bien cette course effrénée au « immer weiter, immer schneller, immer mehr », toujours plus loin, toujours plus vite, toujours davantage. Les dividendes des sociétés doivent être toujours plus élevés, d’où restructurations et délocalisations lorsqu’il ne s’agit pas simplement de fermetures d’usines ; les techniques d’exploitation doivent être toujours plus performantes, augmentant la pression sur les ressources de manière intolérable. La meilleure illustration réside dans la surexploitation des ressources marines, où, grâce à la localisation par radar des bancs de poissons et aux techniques de pêche de plus en plus sophistiquées, des prélèvements tout à fait disproportionnés sont opérés. Résultat : disparition de la ressource ou moratoire de quelques années pour permettre aux stocks de se reconstituer. Les conséquences peuvent être particulièrement dramatiques lorsque ces navires-usines opèrent dans des secteurs où des peuples autochtones exploitent les mêmes espèces depuis des siècles avec des moyens compatibles avec le renouvellement des prises.
Relevons que ce besoin du toujours plus est au fond inhérent à la nature humaine, il fait partie de son développement, et le développement est nécessaire à la vie ! Le problème apparaît lorsque ce développement est proportionnellement excessif, et se fait au détriment irrémédiable de la ressource ou de son prochain !
Cela n’est-il pas en rapport avec notre égoïsme ? Plus ou moins présent en chacun de nous ?
N’y aurait-il pas un rapport avec le péché originel ?
Mondialisation et développement durable
Comme le développement et l’écologie, la mondialisation est sur toutes les lèvres et souvent accusée de tous les maux !
Constatons d’abord qu’il ne s’agit pas d’un phénomène réellement nouveau, car la mondialisation existe depuis que des marchandises ont franchi les frontières, donc au moins depuis la route de la soie ! Ce qui est nouveau, c’est l’ampleur du phénomène, qui concerne le monde entier et tous les secteurs de l’activité humaine. Aucun n’y échappe. Autre caractéristique : la vitesse des actions. Dans un tel contexte, sans régulation, la course aux profits trouve un terrain idéal d’accomplissement. C’est ce que prônent officiellement certains milieux aux Etats-Unis, adeptes d’un libéralisme sans frontières et sans limites. Chacun connaît les conséquences d’une telle politique : l’enrichissement des plus riches et l’appauvrissement des plus pauvres. La presse et la télévision donnent quotidiennement des exemples des ravages de ce néolibéralisme sauvage et des excès qu’il entraine, les « parachutes dorés » garantis aux PDG d’entreprises n’étant qu’une des conséquences de ce système.
Cela dit, cette course aux profits maximums est de plus en plus combattue et, depuis plusieurs décennies, des voix se sont élevées pour insister sur le fait que « l’Homme ne doit pas être au service de l’économie, mais l’économie au service de l’Homme ! » Pour nous chrétiens, c’est essentiel, nous y reviendrons. Simultanément, des personnes avisées ont tiré la sonnette d’alarme pour tenter de préserver un minimum de ressources pour les générations futures !
C’est ainsi qu’en 1971 déjà, le Club de Rome publiait une étude « The limits to growth », incorrectement traduit en français par « Halte à la croissance », montrant qu’un développement illimité conduisait à la destruction totale des ressources. Ce travail a servi de base à une commission, présidée par Mme Harlem Brundtland qui a élaboré un rapport traitant de l’environnement et du développement introduisant le fameux concept de développement durable.
De quoi s’agit-il ? Un directeur d’entreprise, auquel on demandait ce qu’était le développement durable, a répondu : pouvoir faire vivre mon entreprise sans licencier de personnel ! Louable ! mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit.
Le développement durable est un développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.
Le développement durable est donc foncièrement destiné à la préservation de ressources naturelles, pour que nos enfants et petits-enfants trouvent sur cette terre encore des espaces verts, des forêts, des poissons en quantité et diversité suffisantes pour bien vivre ; c’est cela le vrai développement durable. Cela signifie que dans tout projet de développement, il faut prendre en considération trois approches : écologique, économique et sociale. Une quatrième est de plus en plus intégrée : la dimension culturelle. Or, de fait, dans les projets qui se présentent autour de nous, c’est essentiellement la dimension économique qui est privilégiée, et c’est là que le bât blesse. Les actionnaires exigent des dividendes excessifs de 12 à 15 %, n’hésitant pas pour atteindre leurs objectifs à faire délocaliser ou à fermer des usines rentables, mais insuffisamment à leurs yeux.
L’enseignement biblique
Si nous nous sommes attardés sur l’état de notre planète, de ses ressources et avons mis en évidence la surexploitation manifeste dont elle est l’objet, au risque de décourager, c’est parce que, dans bien des sphères politiques notamment, l’on refuse de reconnaître la gravité de la situation. Le meilleur exemple vient des Etats-Unis, où le gouvernement Bush vient enfin de reconnaître le problème relatif aux changements climatiques.
Si la situation est grave, elle est loin d’être désespérée, et l’approche chrétienne peut apporter, pour l’ensemble de ces problèmes, un éclairage encourageant pour la définition d’une politique rationnelle de développement et de gestion rationnelle des ressources, en pleine conformité avec les principes du développement durable et avec la promotion de l’Homme.
Commençons par les deux récits de la Genèse, aujourd’hui au centre d’une querelle que l’on croyait éteinte, mais ranimée avec vigueur par les « créationnistes » d’outre Atlantique, qui veulent les considérer comme des récits à valeur historique, ainsi que c’était le cas autrefois. Grâce à la paléontologie, l’embryologie et la biologie en général, est née la théorie de l’évolution, reconnue par l’Eglise catholique, la grande majorité des Eglises protestantes, les Eglises orthodoxes et l’Eglise anglicane. C’est ainsi que ces deux récits doivent être replacés dans le contexte socio-historique de leur époque, époque où l’on ne disposait pas des connaissances scientifiques d’aujourd’hui, mais où il fallait tenter de répondre aux interrogations des hommes.
L’exégèse de ces deux textes est passionnante, et elle débouche sur des conclusions importantes pour notre réflexion. Résumons :
Le premier récit date du temps de l’exil du peuple juif à Babylone. Son résumé de la Création en six jours est conforme au déroulement de la théorie de l’évolution ; mais ce qui est important, c’est qu’après chaque jour, « Dieu vit que cela était bon ». Voilà qui montre que Dieu aime toute sa Création, qu’il attache de l’importance même à la matière : aux roches, à la terre, à l’eau…pas étonnant que Teilhard de Chardin parle de la Sainte matière, sans être panthéiste ! Cette constatation est essentielle dans notre approche actuelle des problèmes de l’environnement. Autre fait à relever : l’Homme est créé le sixième jour avec d’autres animaux, créés le cinquième jour et « Dieu vit que cela était très bon ». Voilà qui souligne l’importance de la création de l’Homme, mais ce dernier ne bénéficie pas d’un jour spécial ; il est donc bien élément de la Création de Dieu, non au-dessus de celle-ci, mais dedans, il en fait intégralement partie ; mais avec une responsabilité particulière.
Cette dernière est exprimée sans ambages lorsque, dans le deuxième récit de la Création, « Dieu place l’Homme dans le jardin d’Eden pour qu’il le garde et le cultive » (Gn.2, 15). L’Homme doit donc se comporter en lieu-tenant de la Création, agir au nom de Dieu ! Il n’a donc par exemple pas le droit de surexploiter les ressources, de détruire des espèces animales ou végétales, il a le droit d’en user mais non d’en abuser ! Revenons au premier récit, pour découvrir le Sabbat du septième jour, qui conclut la création : importance du repos, repos empreint de contemplation, de louange, et cela de toute la Création ! Combien de psaumes en sont la preuve !
Voilà donc un certain nombre de repères essentiels pour préciser une approche éthique chrétienne de la gestion de notre environnement.
De nombreux autres textes de la Bible nous montrent l’importance que Dieu voue à Sa Création et à l’action de gérance de l’Homme. Signalons que certains passages ont été – et sont encore souvent – mal interprétés, comme par exemple lorsqu’il est fait mention que l’Homme doit dominer la Création ! De fait, il ne s’agit pas de dominer au sens habituel du terme aujourd’hui, mais de se comporter en être responsable, qui se préoccupe du bien-être de tout ce qui lui est confié, tel un roi qui assumerait le bien être de ses sujets.
Relevons, pour terminer ce bref survol de l’apport de la Bible dans notre réflexion, les célèbres propos de Paul dans son épître aux Romains, chapitre 8 : « La Création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu.» et « Nous le savons en effet, toute la Création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement » (Rm 8,19;22).
Paroles d’Eglise
L’environnement n’a que très récemment interpellé les chrétiens et les responsables de nos Eglises. Pourtant, dès la fin du 19 e siècle, des scientifiques ont alerté les responsables politiques de l’apparition de phénomènes de pollution, par exemple dans le lac Léman. Mais ce n’était pas suffisamment inquiétant.
Dans le milieu ecclésial, c’est la sensibilité protestante qui s’est exprimée la première ; puis nous devons signaler cette conférence, que personnellement je qualifierais presque d’historique du Cardinal Villot, le 6 décembre 1971, consacrée à l’Homme et son environnement. Il prononça cette phrase percutante : «Toute atteinte à la Création est un affront au Créateur ».
Voilà qui confirme, sans doute possible, notre responsabilité de conserver le patrimoine naturel, et tout le patrimoine naturel, pas seulement ce qui nous paraît beau ou utile. Non, nous avons à préserver l’existence tant du crapaud que de la biche, des herbes insignifiantes que des orchidées.
Le pape Paul VI s’est rapidement engagé dans la même voie, insistant par exemple sur l’importance d’un développement évitant « les déséquilibres provoqués dans la biosphère par l’exploitation désordonnée des réserves physiques de la planète ». (etc.)
Jean-Paul II, a très rapidement fait de la sauvegarde de l’environnement et d’un développement qui privilégie l’Homme une de ses priorités. Sa mini-encyclique du 1 er janvier 1990, publiée donc dans le cadre du traditionnel Message au monde sur la paix « La paix avec Dieu créateur, la paix avec toute la Création », constitue le vade-mecum du chrétien conscient de ses responsabilités envers l’environnement. Voilà le programme que les candidats à l’élection présidentielle de ce printemps auraient dû proposer et …appliquer ! Jean-Paul II s’exprime avec aisance et justesse aussi bien sur les équilibres naturels fragilisés que sur les inégalités sociales criantes résultant d’une course systématique et effrénée au profit qui creuse le fossé riches-pauvres, qu’il s’agisse des pays ou des populations à l’intérieur des pays. Dans tous ses grands discours ultérieurs, Jean-Paul II a mentionné ou développé l’importance d’une saine gérance des ressources naturelles.
Benoit XVI le suit dans cette voie, et dans son Message du 1 er janvier 2007, il s’exprime sur « l’écologie de la paix », insistant sur la relation entre la paix avec la Création et la paix entre les hommes. Il rejoint Bernanos lorsqu’il affirme : « la destruction de l’environnement, son usage impropre ou égoïste et la mainmise violente sur les ressources de la terre engendrent des déchirures, des conflits et des guerres, justement parce qu’ils sont le fruit d’une conception inhumaine du développement ».
Les Eglises et mouvements chrétiens se sont aussi rapidement mobilisés sur ces problèmes, tout spécialement à partir du Rassemblement œcuménique européen de Bâle, en mai 1989. Véritable aggiornamento des Eglises de notre continent quant au vécu de leur foi, cette assemblée a examiné tous les problèmes d’actualité, de l’avortement aux inégalités sociales, des handicapés au nucléaire. Les problèmes d’environnement ont constitué l’un des trois piliers de la réunion intitulée « Paix, Justice et intégrité de la Création ».
Mais les chrétiens d’Allemagne et de Suisse, par exemple, ont développé des initiatives importantes et dans des domaines variés depuis le début des années 70 déjà.
La France s’est réveillée tardivement dans ce secteur, Pax Christi ouvrant la voie avec sa commission « Création et développement durable », créée en 1989, suivie en 2000, de la déclaration de la Commission sociale des évêques de France « Le respect de la Création », texte important, dont il convient de s’inspirer, comme du Message du Saint Père du 1 er janvier 1990. Enfin l’excellent ouvrage « Planète Vie – Planète Mort, l’heure des choix » réalisé par l’Antenne « Environnement et modes de vie » créée par les évêques au sein de Pax Christi.
Responsabilité globale ? ou/et responsabilité individuelle ?
Pour solutionner les problèmes d’environnement nous avons les tenants de l’action politique, gouvernementale et ceux qui insistent sur l’action individuelle ; or, il est certain que les deux types d’acteurs sont nécessaires.
Nous ne traiterons pas de l’action politique dans le présent texte ; précisons simplement que grâce à la prise de conscience collective, les responsables politiques à tous niveaux s’engagent de plus en plus. Mais ajoutons immédiatement que leur liberté de décision est de plus en plus réduite par les exigences du monde de l’économie et de la finance !
L’action individuelle peut paraître dérisoire : que représente l’économie d’eau si j’arrête le robinet pendant que je me lave les dents, alors qu’il y a tant de mètres cubes gaspillés ailleurs, etc. Il est vrai que de nombreux gestes en faveur de l’environnement peuvent paraître bien modestes, voire insignifiants, et certaines personnalités ne manquent malheureusement pas de le souligner ! C’est pourtant faux, et de nombreuses observations montrent que les petits ruisseaux font les grandes rivières. Sur un document du Conseil de l’Europe consacré à « des gestes simples pour la nature », je lis, comme introduction, cette phrase de Théodore Monod : « Le peu, le très peu que l’on peut faire, il faut le faire quand même ».
Nous nous souvenons de l’initiative prise dans une grande ville du Nord de la France où tous les ménages ont été invités individuellement par la mairie, par dépliant, à économiser l’eau, la consommation a chuté de quelque 30 %.
Les propositions d’action se multiplient : tri des déchets, renoncement aux sacs de caisse dans les grandes surfaces, en Allemagne, dans certains hypermarchés, les clients sont invités, la caisse franchie, à restituer, sur de grandes tables, les emballages de produits tels que ceux de tubes de dentifrice …dans presque tous nos gestes quotidiens il y a des répercussions sur l’environnement. Nous devrions, à chaque instant, avoir le réflexe de nous demander : mais quelle conséquence cela va-t-il avoir sur l’environnement ? Et nous pourrions ajouter : quelle conséquence sur les plus pauvres !
Elles sont innombrables, les situations où nos diverses actions, nos choix ont des répercussions sur les pays pauvres du sud, par exemple : nous connaissons et faisons nôtre l’adage : « penser globalement et agir localement » ; c’est ainsi que nous sommes invités à acheter légumes et fruits de saison produits chez nous, par nos agriculteurs. Personne ne contestera le bien-fondé de cette remarque. Et pourtant, si nous n’achetons plus de fruits des pays du sud, fruits qui constituent souvent la principale ressource d’exportation pour ces pays, comment vont-ils pouvoir se développer ? Ne limitons donc pas nos préoccupations à notre entourage, mais élargissons notre réflexion au monde entier.
Codes de comportement et modes de vie
Ils existent par centaines. Une grande majorité de départements en ont publié, comme aussi des villes, des associations, des mouvements…celui de Nicolas Hulot ayant connu un retentissement particulièrement grand. Tous ces efforts sont importants, même s’ils paraissent répétitifs et peuvent finir par faire sourire ou agacer : chercher ma baguette de pain en vélo ou à pied plutôt que de prendre la voiture, prendre une douche plutôt qu’un bain, éteindre les veilleuses de mes appareils électriques… oui, nous savons, mais… est-ce que je renonce à la voiture ?
Nous pouvons multiplier à loisir ces exemples de recommandations ponctuelles.
De fait, ce qui est nécessaire, c’est un changement radical de nos habitudes, de nos modes de vie. Nous devons procéder à une véritable métanoïa dans notre manière de vivre, la repenser complètement. Nous devons redécouvrir la frugalité, une frugalité joyeuse, par opposition à la surconsommation à laquelle nous sommes constamment incités par la publicité, directe et indirecte, dans les films et sur les panneaux publicitaires à chaque coin de rue, à la télévision, à la radio…Précisons tout de suite que l’acceptation d’une certaine frugalité n’implique pas une réduction du plaisir de vivre ou du bien manger, cela veut dire manger, vivre autrement.
En parlant de frugalité, nous pensons d’abord aux aliments et nous n’avons pas besoin de nombreuses expertises pour nous convaincre qu’une certaine frugalité, associée à un choix d’aliments naturels, résoudra bien des problèmes de santé. La presse ne nous sensibilise-t-elle pas de plus en plus au diabète et au développement de l’obésité, surtout chez les jeunes, où chips et autres hamburgers consommés à un rythme accéléré débouchent sur des problèmes de santé dont nous sous-estimons l’importance ! Les prestataires, Mc Donald’s et autres Burger King, mesurant le risque de rejet de leurs produits, anticipent en recommandant une consommation modérée de leurs produits et en en développant de nouveaux, allégés.
Cette pression sur la consommation s’exerce dans tous les domaines de nos activités. Dans tous les domaines, il faut consommer, consommer davantage et toute la publicité est développée dans ce sens pour vous inciter à emprunter et …à vous endetter. Et l’Etat donne l’exemple en faisant de la pub pour le loto et autres jeux de hasard.
Le discours tenu est simple : si l’on consomme moins, l’on doit ralentir la production, donc réduction d’effectifs, chômage, licenciements ; d’où également la grande vogue du « jetable » !
Au début, cela ne concernait que les briquets, les stylos bille, ….aujourd’hui l’appareil de photo, la montre ! L’on ne répare plus votre phare de voiture, on remplace tout le bloc optique ; et dans combien de cas change-t-on une aile de voiture ou une portière alors que l’on pourrait aisément réparer l’accroc ! L’on rétorquera : c’est moins cher de remplacer que de réparer ; ce qui n’est pas toujours faux, les charges pour la main d’œuvre atteignant trop souvent des sommets !
Revaloriser l’entretien, la réparation, c’est non seulement préserver une certaine main-d’œuvre, mais c’est aussi préserver les réserves naturelles minérales, qui ne sont pas inépuisables. Le Club de Rome a très justement attiré l’attention du monde sur le grand danger d’un développement centré sur la course au maximum avec son étude « The limits to growth », cela en 1971 déjà.
Ce changement de mentalité opéré dans nos esprits doit s’opérer tant sur le plan individuel que collectif, c’est à dire à des entreprises. Mais peut-on agir sur des entreprises telles que Nestlé, Rhône-Poulenc, Peugeot ? Oui, par l’opinion publique, et à condition d’être organisé !
Nous nous souvenons de cette grande usine bâloise qui envisageait de mettre des hormones pour les veaux sur le marché suisse. Les associations suisses de consommateurs ont immédiatement annoncé que si cela devait se produire, elles recommanderaient le boycott de tous les produits de l’usine en question ! Le projet a été abandonné sine die. D’autres exemples montrent qu’aujourd’hui, dans nos pays démocratiques, l’opinion publique, ou plus précisément « la société civile », peut influencer efficacement tant le pouvoir politique que l’économique. Qui, il y a seulement quelques années, aurait pensé que l’on oserait un jour soulever le problème des scandaleux « parachutes dorés » de PDG licenciés pour incompétence !
Mais pour être écoutés, pris au sérieux, les associations et autres composants de la société civile doivent être crédibles, c’est-à-dire présenter des revendications, des propositions ou des contre-propositions se basant sur des informations sûres, objectives, incontestées. Pour cela, il faut des personnes informées, éduquées et formées.
Information, éducation et formation
Reconnaissons qu’il n’est pas toujours aisé d’obtenir les informations désirées, cela à cause de la complexité des situations, des problèmes, ou encore par interdiction d’accès à la source (nous pensons par exemple aux problèmes gravitant autour des OGM et du nucléaire). Il est en outre aussi important de vérifier l’information, de connaître la source, sa crédibilité ; bref, si l’on veut jouer un rôle d’animateur pour la défense de l’environnement ou de tout autre domaine, il faut être formé.
Les Eglises et mouvements d’Eglise peuvent et doivent jouer dans ce domaine un rôle important, constituant un élément non négligeable de la société civile, comme les syndicats, les associations de commerçants,… L’action du CCFD est bien connue, comme celle du Secours catholique, du CMR, du MRJC et de plusieurs autres, comme Justice et Paix.
Pax Christi, qui a été pionnier dans ce secteur de la sauvegarde et gérance de la création, a initié récemment un réseau œcuménique « Paix, environnement et modes de vie » dont le but est de créer, dans les différentes régions de France, des équipes de chrétiens désireux de s’informer sur les problèmes d’environnement locaux et globaux, qui acceptent de se laisser éduquer et former, afin de pouvoir intervenir efficacement dans ce domaine de l’environnement et changer personnellement de mode de vie. Des campagnes de sensibilisation des chrétiens, et du public en général, sont organisées depuis la fin de l’année 2005 où un collectif œcuménique de
12 mouvements proposait de « Vivre Noël autrement ».
L’objectif était de lutter, prudemment, contre la surconsommation précitée, et de faire comprendre que le succès d’une fête de Noël n’était peut-être pas directement proportionnel au nombre et à la valeur monétaire des cadeaux achetés ou reçus ; l’on économisait ainsi aussi des ressources naturelles! Pas question de minimiser la fête de famille ni l’importance de certains cadeaux, mais inciter à redécouvrir le vrai sens de Noël, qui inclut la solidarité. Cette proposition a été très bien accueillie, seul un grand quotidien parisien l’a boycottée en annonçant qu’il ne voulait pas contribuer au chômage !Au vu du succès de cette initiative, elle fut répétée en 2006, en mettant cette fois-ci l’accent sur la manière d’offrir les cadeaux.
Des campagnes similaires ont été engagées pendant les grandes vacances, et cette année 2007, le thème proposé est : « Vivre l’été autrement, me déplacer comment ? »
L’objectif est de provoquer une réflexion sur les moyens de transports, sources importantes du réchauffement climatique quand il s’agit par exemple de la voiture ou de l’avion.
A côté de ces grandes campagnes nationales, il convient de citer une autre initiative qui prend régulièrement de l’ampleur : l’organisation en automne, à travers la France, entre le
1 er septembre, qui est le jour de la fête de la Création chez les orthodoxes, et le 4 octobre, jour anniversaire de François d’Assise, patron des écologistes, une célébration, une soirée ou encore un week-end consacré à la Création. L’objectif n’est pas seulement de s’informer ou d’acquérir des connaissances nouvelles, mais aussi, voire surtout, de rendre grâces à Dieu pour toutes les merveilles de Sa Création. Il est essentiel de vivre régulièrement la louange pour la beauté des paysages, du monde animal et végétal qui nous entoure et nous permet de vivre !
et les jeunes ?
L’éducation des jeunes à l’environnement est évidemment essentielle. Relevons qu’ils sont souvent davantage sensibles aux problèmes de conservation de la nature que certains adultes.
Aussi convient-il d’exploiter au maximum cette prédisposition afin qu’ils deviennent véritablement convaincus de la nécessité d’adopter un regard durablement nouveau sur les problèmes d’environnement et de développement auxquels ils seront confrontés.
Les opérations de nettoyage de forêts, de cours d’eau ou de bords de lacs ne devraient être organisées que lorsqu’elles sont accompagnées d’un projet pédagogique : est-ce aux jeunes à ramasser les détritus de la génération précédente ? On peut se poser la question. Par contre si on accompagne l’opération par exemple de la pose de nichoirs que l’on viendra régulièrement observer, c’est différent.
Parmi les projets que l’on peut développer pour stimuler l’observation de la nature figure par exemple le creusement d’un étang près de l’école ou dans un lieu proche. Bien aménagé, il se peuplera spontanément d’insectes, de libellules, et, suivant le lieu, de batraciens…
Une autre suggestion, qui a fait l’objet d’un concours scolaire dans les écoles du canton de Vaud en Suisse il y a de nombreuses années déjà, consiste à observer, pendant une année, un bel arbre situé à proximité de l’école (ou de l’église, du presbytère !): en hiver, tout est mort, tout semble mort, mais rapidement de petits bourgeons se forment, grossissent, développent des feuilles, puis ce sont des bourgeons de fleurs qui apparaissent. Avec la chaleur, au printemps, on observe des fourmis et d’autres insectes sur l’écorce.
Des oiseaux viennent chanter, nicher ; il peut servir de dortoir pour des étourneaux ! Et après cette période d’activité intense, on approche de l’automne, les feuilles changent de couleur, lesquelles commencent ? Celles du sommet, de la base, pourquoi ?
Un thème important relativement facile à traiter est celui du commerce équitable. Il permet de sensibiliser les jeunes à de nombreux aspects de l’environnement. Max Havelaar tient dans ce domaine la vedette, mais un nombre croissant de labels voient le jour. Attention ! Bel exemple pour aborder le problème de la publicité fallacieuse ; les grands monopoles comme Chiquita dans la banane, fruit le plus consommé dans le monde, sont passés maîtres pour contribuer à la confusion des labels, par exemple label bio et label commerce équitable. Les jeunes découvrent ce qu’est une ressources naturelle : banane, café, cacao, coton…les diverses manières de l’exploiter : agriculture biologique, extensive, intensive ! Avantages, inconvénients, la question des salaires et des conditions de travail, la vente des produits ; destination des bénéfices et leur usage (réinvestissement sur place dans coopératives ou écoles…). Des contacts avec Max Havelaar ou Magasins du monde devraient bien sûr être établis pour rendre la démarche vivante ! Pourquoi ne pas organiser une vente de ces produits avec explication ? Pourquoi ne pas envisager un jumelage avec une communauté productrice de ces produits ? Pourquoi ne pas rechercher une coopération avec une éventuelle équipe locale du CCFD ?
L’actualité attire l’attention sur la multiplication et le succès des microcrédits permettant à de petites communautés de femmes de créer au Cameroun un atelier de couture, ou une petite exploitation agricole…
Conclusion
La situation de l’environnement et les niveaux de développement entre les différents pays sont aujourd’hui si inquiétants, que tout homme devrait se sentir interpellé pour réagir en faveur d’un développement durable qui préserve les ressources et privilégie la solidarité. Tout homme dispose de charismes, qui lui permettent de réagir, et d’abord de modifier son mode de vie.
Les chrétiens ont une responsabilité particulière, du fait, que, par le baptême, ils sont devenus gérants de la Création de Dieu. Ils devraient donc donner l’exemple tant par leur comportement personnel que par les initiatives qu’il conviendrait de lancer sur le plan local, régional, voire national.
Les générations futures, c’est à dire les jeunes, sont au cœur des préoccupations, et doivent se sentir non seulement concernés par ces problèmes, mais acteurs. L’aumônerie, le scoutisme, les mouvements d’action catholique et autres constituent autant de milieux où ils peuvent réfléchir et agir concrètement pour leur avenir.
Jean-Pierre Ribaut.
Pax Christi
Bibliographie(extraits)
* PELT Jean Marie. C’est vert et ça marche ! Fayard, Paris, 2007
Des expériences de développement durable de par le monde, qui ont fait leurs preuves et montrent que des voies sont possibles.
* KEMPF Hervé. Comment les riches détruisent la planète. Le Seuil, Paris, 2007
* Assises chrétiennes de la mondialisation. Livre blanc. Dialogues pour une terre habitable. Bayard, Paris, 2006
* BARBAULT Robert. Un éléphant dans un jeu de quilles : l’homme dans la biodiversité. Le Seuil, Paris, 2006
* BASTAIRE Jean. Jean-Paul II, Le Gémissement de la création. 20 textes sur l’écologie. Parole et Silence, Paris, 2006 – Des textes essentiels, pour s’en nourrir…
* Collectif. Planète Vie, Planète Mort, l’heure des choix. Le Cerf, Paris, juin 2005
Fruit du travail de l’Antenne Environnement et modes de vie, créée au sein de Pax Christi par la Commission sociale des évêques, sous la direction de Mgr Stenger, évêque de Troyes et Président de Pax Christi. Préface de Nicolas Hulot, l’ouvrage a la grade originalité de présenter l’état actuel des ressources naturelles et les problèmes à venir, puis d’aborder l’approche chrétienne et éthique, pour finir par l’exposé d’initiatives et réalisations chrétiennes concrètes dans les paroisses et les mouvements d’Europe.
* RABHI Pierre, HULOT Nicolas. Graines de possibles : regards croisés sur l’écologie. Calmann-Lévy, Paris, 2005 (a été imprimé en 2006 en Livre de Poche N° 30553)
cf. voir la théorie de l’évolution – Dossier du CRD 5 – avril 2007
Le mot métanoïa est traduit par » pénitence » ou par » repentance « , mots devenus suspects en Occident, tant ils sont entachés d’une spiritualité doloriste. Métanoïa signifie » au-delà de nous « , au-delà de l’intellect, de notre raison rationnelle et se rapporte à un mouvement de conversion ou de retournement par lequel l’homme s’ouvre à plus grand que lui-même en lui-même. Le repentir est une ré-orientation du désir qui s’exprimait par rapport au monde et qui maintenant est orienté vers Celui qui est Source de désir en nous car il est Source de vie.
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