Entrer dans la joie (3)

Perspectives pastorales

Introduction

Pourquoi ce thème de la joie ? Des animateurs fatigués, usés par les difficultés pastorales, ployant sous le fardeau de la mission, on en connaît. Sourire dans l’effort, on y arrive. Mais où est notre joie ? Le monde est difficile, la vie est rude, il nous faut revenir à la source, puiser en Dieu lui-même le secret de la joie. « Plus le monde est complexe, plus il nous faut oser des gestes simples » répète le philosophe Edgar Morin. Invitation à la simplicité évangélique. La joie de Dieu appartient aux disciples de Jésus qui, comme lui, ont un cœur d’enfant.

Stratégies de séduction ou vraie promesse ?« Qui nous fera voir le bonheur ? » (Ps 4)

Insistons un peu. Euphories passagères ? Optimisme superficiel ? Bonne humeur de façade ? Sourire forcé ? Ciel constamment dégagé ? La joie que nous avons à annoncer n’a rien à voir avec un happening béat, rien à voir avec la pieuse résolution d’être heureux à tout prix, cette joie méthode Coué, à la force du poignet, du style : « Souriez, Jésus vous aime ! » Faire le pitre pour appâter les jeunes n’est pas du jeu. Venir à l’aumônerie pour s’éclater ? Nous sentons le piège de cette joie idyllique, éphémère, à coup d’ambiance surfaite.

Et pourtant, la quête de joie est légitime. Si les chrétiens avaient une “gueule de sauvés†…. L’Evangile, qu’est-ce qu’on y gagne ? « Le Christianisme est une chose formidable, aurait dit Gandhi, dommage qu’on ne l’ait jamais essayé ». Où est la joie qui dure ? Dans quel registre devons nous nous situer ?

– La joie a le moral ! Non, Dieu, n’est pas ringard, l’Eglise n’est pas une affaire de vieux, Jésus n’est pas un empêcheur de faire la fête en rond. La religion, une organisation rébarbative ? un ramassis d’interdits ? Trop de morale tue le moral. « Jean Baptiste est venu en ne mangeant pas de pain ni ne buvant de vin, et vous dites : « Il est possédé ». Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et vous dites : « C’est un glouton et un ivrogne, ami des publicains et des pécheurs » (Lc 7,33).

– La joie peut s’éduquer. Pour le bonheur, certains semblent plus doués que d’autres. Mais le bonheur de Dieu ne se confond pas avec une vigoureuse santé. Pour les rudes combats de la vie, on a besoin de carburant. « Le bonheur, dit st Thomas d’Aquin, n’est pas une émotion mais une décision. » Pas un frisson de plaisir, mais une activité. Pas un état d’âme sentimental, mais un engagement de tout l’être. De cela, nous tirons cette conviction qui peut paraître étrange : il y a bien pour l’Eglise tout entière une mission d’éducation à la joie. La joie qui vient de Dieu suppose un apprentissage pour la recevoir, la reconnaître, la recevoir, se disposer à elle et y consentir. Un éveil à la foi, une éducation au discernement, un appel au courage.

– En forme de parabole : l’expérience fameuse d’un convalescent célèbre… ou la règle de base du discernement des esprits.

Début du XVI ème siècle : Ignace de Loyola, jeune et vaillant soldat blessé à Pampelune, passe de longs mois de convalescence cloué sur son lit, sans autre distraction que quelques livres. Deux sortes d’ouvrages : des romans de chevalerie à la mode qui le font rêver de prouesses militaires et d’amour pour de jolies femmes. Il s’en délecte, ressentant une délicieuse excitation, mais, une fois le livre fermé, son cœur se trouve sec, mécontent, sa solitude plus amère. Sur la table, la vie du Christ en quatre volumes de Rudolphe le Chartreux et des vies de saints. Rien de très réjouissant, mais faute d’autre chose… Curieusement, Ignace se laisse prendre, il s’étonne, admire le courage héroïque de ceux qui servent le Christ humble et pauvre. Et il se met à rêver. « Saint Dominique a fait ceci, saint François a fait cela, moi aussi j’en suis capable ». Une fois ces livres fermés, il reste longtemps joyeux.

Au début, Ignace ne prête pas attention à l’alternance des sentiments qui l’agitent, jusqu’au jour où ses yeux s’ouvrent. « Il commença à s’étonner de cette diversité et à faire réflexion sur elle. Saisissant par expérience qu’après certaines pensées, il restait triste, et après d’autres, allègre, il en vint peu à peu à reconnaître la diversité des esprits qui l’agitaient, l’un du démon, l’autre de Dieu. » (Le récit du pèlerin) Donc, après certaines pensées, Ignace se retrouve triste, après d’autres, plutôt joyeux.

Or, la joie ne coïncide pas forcément avec le sentiment qu’il éprouve au moment où il lit. Ce n’est qu’après coup, à la trace, qu’il reconnaît, en se retournant, la bonne joie qui le tient longtemps en paix, différente de l’euphorie fugitive. Que constate-t-il ? La vie du Christ déclenche en lui un élan intérieur puissant, un désir de s’engager qui le remplit d’allégresse. Par opposition, il ne ressent finalement que dégoût et tristesse devant la vanité des honneurs de ce monde. Il en conclura plus tard, dans le livret des Exercices : « C’est le propre de Dieu de donner la véritable allégresse et joie spirituelle, en supprimant tout tristesse et trouble que nous inspire l’ennemi. Le propre de ce dernier est de lutter contre cette allégresse et cette consolation spirituelle« . (Ex n° 329)

Telle est la base d’un discernement auquel nous pouvons nous entraîner nous-mêmes, pour éduquer les jeunes. Reconnaître en nous-mêmes – afin de savoir aider les jeunes à discerner en eux-mêmes – les fruits de la joie de Dieu, distincte des fausses séductions de ce monde, des vanités sans lendemain. Certes, on peut s’éclater, ressentir excitation et plaisir à goûter certaines drogues, à tenter telle ou telle aventure obscure, mais dans quel état se retrouve-t-on après coup ? Qu’est-ce qu’on y gagne ? « Tout est permis, dit saint Paul, mais tout ne construit pas » ( 1 Co 6,12). Une initiative modeste, une rencontre amicale, un repas partagé peuvent laisser après coup des traces profondes et durables de paix et de joie. Il ne s’agit pas d’opposer les coups d’éclat aux gestes simples, il s’agit de discerner. Pour ne pas se faire avoir, grandir en liberté.

I. Deux convictions de foi peuvent soutenir une pastorale de la joie.

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« Je vous appelle mes amis ! » Jn 15, 15

Première conviction : la joie, la vraie, est liée à la présence du Christ, lui, la joie faite chair. Elle est donc d’abord l’expérience bouleversante d’une amitié avec Dieu. Cette joie vient de Dieu, elle ne se conquiert pas, elle survient, elle se reçoit, elle nous saisit, imprévisible, avant goût, prémices de la joie éternelle. On n’a pas à la chercher, mais à l’accueillir. Elle n’est pas une idole, elle est un don de Dieu, signe de sa présence, trace de sa venue en nos vies, fruit de l’Esprit (Ga 5).

Dans un contexte de rupture des liens, de solitude, de compétition féroce, les jeunes aspirent à trouver des lieux hospitaliers où ils vont nouer de nouvelles amitiés. O surprise, le premier Ami qui leur ouvre la porte, c’est le Christ. Qu’ils croient en lui ou qu’ils le cherchent, les jeunes savent, (parce qu’ils l’ont identifiée comme telle), que l’aumônerie n’existe qu’en lien avec ce Christ proclamé et adoré par les chrétiens comme Dieu. « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis ». Celui qui se découvre ainsi aimé, gratuitement aimé, entre dans la joie de Dieu, sa vie désormais sera fruit de cet amour premier, fruit de joie, action de grâce. L’amour, franchement, ça change tout, ça colore tout ! La joie est donc première, c’est elle qui inspire l’éthique ; elle est promesse, accomplissement dans l’amour.

«  Croyez – dit le Seigneur – que vous arriverez au bonheur de ma table, car je n’ai pas dédaigné le malheur de votre table. Voyez où je vous invite : à l’amitié du Père et de l’Esprit saint, à un repas éternel, à mon amitié fraternelle ; je vous invite à moi-même, à ma propre vie. » St Augustin.

On n’insistera jamais assez sur la douceur de cette amitié possible avec Dieu qui se fait proche. Cette amitié, quel aménagement de l’espace va l’exprimer ? Une table austère avec des chaises, au mieux comme au lycée, au pire comme dans un vieux presbytère !? Ou un espace dégagé, gai, moderne, fleuri, avec des coussins colorés, une décoration qui convient aux jeunes car ils l’auront imaginée et réalisée eux-mêmes ? Pas seulement des posters à leur image, mais une disposition spirituelle du lieu selon leur désir de Dieu. La Bonne Nouvelle se respire avant de s’expliquer. Dans un lieu propre et lumineux, chacun pourra plus facilement se sentir en amitié avec Dieu et entendre, peut-être, la voix de Jésus : « Pour vous, qui suis-je ? »

Cette amitié avec Dieu est immédiatement source d’amitié entre frères, elle dévoile et instaure une fraternité sans frontière qui illumine et transforme la vie. La communauté n’est pas immédiatement un club d’amis. C’est le rassemblement des amis du Christ, des chercheurs de Dieu. La joie de se découvrir frères les uns des autres vient par surcroît, comme un cadeau de joie. Et quel cadeau ! « Parce que c’était lui, parce que c’était moi »… parce que c’est nous, par Lui, avec Lui et en Lui. Une joie promise à la multitude qui se propage et commande de sortir pour être partagée à ceux du dehors.

Mais qu’est-ce qui garantit la pérennité de cette joie ? Va-t-elle durer ou s’éclipser au fil des épreuves de l’existence ? Quelle espérance est liée à cette joie d’une amitié avec Dieu ?

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La joie chrétienne se reçoit tout entière de la Résurrection du Christ.

Dans un contexte où tout passe, où le sens de l’histoire s’étiole, où chacun se résigne à bricoler sa vie au jour le jour, à coup de micro projets successifs, sans visée à long terme, comment témoigner d’une joie définitive ? Pour que la joie ne soit pas éphémère, confondue avec nos bonnes humeurs intermittentes, il faut revenir la puiser à sa source permanente, « une source jaillissant en vie éternelle » (Jn 4, 14) . Depuis la chute du Mur de Berlin, certains clament que les grands récits fondateurs d’espérance ont disparu. Non, ils n’ont pas tous disparu. Le chrétien porte en lui, avec le Christ Ressuscité, une vision grandiose de l’histoire du monde qui donne sens à sa vie, le porte et l’oriente pour toujours. L’histoire ne va pas à sa perte, le monde n’est pas pourri. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique ». Il n’est pas écrit que Dieu a tant désespéré du monde qu’il a créé les aumôneries de l’Enseignement public ! Dieu ne fait rien par dépit. Tout en lui n’est qu’amour. Voilà le sens de la résurrection du Christ, une victoire définitive. Pâque n’est pas un élément anecdotique, périphérique de la foi, un épisode ponctuel à commémorer une fois par an. Tout naît de là, tout commence là. Les aumôneries sont-elles illuminées en permanence par cette joie définitive de la résurrection du Christ ? Il s’agit de vivre en ressuscités. Qu’est-ce que cela veut dire ? Les activités de l’aumônerie se déploient sous la lumière de Pâques selon les trois axes traditionnels :

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L’événement fondateur : Christ est ressuscité selon les Ecritures
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L’expérience spirituelle : Christ est vivant aujourd’hui en nous et parmi nous
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L’horizon définitif : Christ reviendra. Jusqu’à son retour nous l’annonçons par notre vie.

 Au nom du Père … chacun se découvre attendu, espéré, connu, aimé, appelé de toute éternité. Combien d’animateurs ayant attendu des heures entières, des jours entiers, tressaillent de joie en voyant quelques jeunes oser franchir le seuil ? Joie de la rencontre, véritable « Visitation ». Les jeunes peuvent alors lire dans le regard des animateurs cette attente et cette joie de Dieu lui-même inscrites en nous, passant à travers nous, mais venant d’au-delà de nous. « Dieu est content que vous soyez là. Il vous attendait, il se réjouit. » Peut-être ne sont-ils pas nombreux ? Peu importe, un, deux ou trois (c’est tellement mieux que zéro !). De toute façon, Dieu ne sait pas compter.

 Au nom du Fils … chacun doit pouvoir à l’aumônerie expérimenter l’Evangile non comme une science ou comme une morale, mais comme une vie nouvelle heureuse, un chemin de bonheur. Il s’agit de conduire à Jésus qui est, lui, l’auteur de la joie et qui appelle à la joie. Son autorité, c’est sa joie qui emporte tout, joie crédible, irrésistible. Cette joie ne s’appréhende pas en fronçant les sourcils, mais en ouvrant son cœur.

 Au nom du Saint Esprit , chacun apprend à exister avec et pour les autres devant le Dieu vivant. Ce qui différencie l’AEP d’une association culturelle ou d’un club humanitaire, c’est la foi partagée dans le même Esprit, la vie fraternelle qui découle de cet échange, l’engagement que cette vie produit. Un tout. La communauté devient alors le signe heureux, visible de l’alliance universelle.

Reprenons et développons maintenant ces aspects, avec des exemples. Nous y verrons la place de la prière.

II. « L’homme est créé pour la joie, le respect et le service ».

Saint Ignace de Loyola

Pas d’abord créé pour servir. Créé d’abord pour la joie. Et aussi pour servir.

Mais entre la joie et le service, pourquoi le respect ?

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AU NOM DU PERE… LE CHEMIN ÉDUCATIF DE LA JOIE
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Toi, choisis de naître ! Sous le regard du Créateur, inviter les jeunes à habiter leur désir, à scruter leurs goûts, leurs talents. En écho au psaume 139, des exercices comme celui-ci :

 Qu’est-ce qui te rend particulièrement heureux en ce moment ? Ce qui te dynamise, te passionne, te rend plus vivant. Ce qui t’unifie, te met en confiance.

 Ce qui au contraire te freine, te trouble, te divise, te rend moins vivant ? Ce qui te blesse, te tourmente, te coupe des autres, ce qui entame en toi la confiance.

Discerne et… choisis la vie !

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La joie qui ne trompe pas, celle du dynamisme créateur. Création / re-création.

« Partout où il y a joie, il y a création. Plus riche est la création, plus profonde est la joie« . Bergson.

La force des moments de création artistique dans la vie d’une aumônerie. Décoration de l’aumônerie en début d’année, peinture, musique, la beauté des lieux, un bouquet, un dessin, une bougie. Les décorations de Noël, « s’enguirlander » de joie ! Création d’une chorale.

« Ce n’est pas à la peine des gens que le Christ a d’abord rendu visite, mais à leur joie » (Dostoïevski,
à propos des noces de Cana). Nous sommes responsables de nos fêtes.

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La joie contagieuse des animateurs. Tout est dans le ton et le regard. Le sourire, grimace aimable, ou débordement du cœur ? Quel mode d’expression de la joie ? Une gaieté, une énergie contagieuse, de l’humour, de la légèreté (dédramatiser), une allégresse, un mouvement vital, un élan.

Se rendre totalement présent. La joie, c’est vivre à fond. Un oiseau ne fait pas d’effort pour voler, il vole, un poisson nage, un chrétien est joyeux, il vit tout simplement et son enthousiasme est contagieux, non pas le fruit d’un calcul, mais un partage de tout son être. Sinon, on risque de ne voir que sa peine et ses efforts…

DOSSIER

A cause de l’amitié avec Dieu source de toute joie, éduquer à la joie par la prière. Par la musique, la danse et le chant, entretenir une habitude, un esprit de louange.

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AU NOM DU FILS… LA PASSION DU RESPECT

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Revenir inlassablement aux Béatitudes, réentendre l’appel exigeant de l’évangile sous la promesse de bonheur : « Heureux ! ». La joie éducative n’est pas l’approbation de tout. Oser la juste résistance, l’appel à la justice, non pour brimer mais pour libérer l’élan. Apprendre à choisir la vie en renonçant aux forces de mort.

Heureux les pauvres, pas les fauchés, mais ceux dont le cœur est libre. Heureux les doux, pas les mous qui ne se décident jamais, mais les patients et les tolérants. Heureux ceux qui pleurent, pas ceux qui pleurnichent, mais ceux qui se laissent attendrir. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, pas ceux qui font du bruit, mais ceux qui luttent. Heureux les miséricordieux, pas ceux qui oublient, mais ceux qui pardonnent. Heureux les cœurs purs, pas ceux qui font les anges, mais ceux dont la vie est transparente. Heureux les pacifiques, pas ceux qui éludent les conflits, mais ceux qui les affrontent. Heureux les persécutés pour la justice, non parce qu’ils souffrent, mais parce qu’ils aiment. Pierre Jacob.

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Humour et dérision. Heureux ceux qui rient sans railler !

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Réserve et liberté. La découverte du respect lié à l’amour.

« Quand je veux m’amuser avec une fille, je fais le guignol, j’essaye de l’accrocher. Souvent, ça marche, on s’éclate. Mais dans ma classe, il y a une fille… Elle, en secret, je l’admire, je n’ose pas m’approcher d’elle, je la respecte. Comment faire ? Je voudrais qu’elle se rende compte à quel point je la respecte ». R. 7 ans

Ce témoignage renvoie à la notion de « crainte de Dieu » dans la Bible : respect empreint de pudeur et d’affectueuse admiration. Osons aborder en liberté les sujets délicats et si importants touchant à la sexualité et à la vie affective. Au temps de la découverte, le jeune est sensible à nos approches d’adultes. Que donnons-nous à voir en premier ? La peur ou la joie d’aimer ? L’allégresse du corps créé par Dieu pour la rencontre, ou la honte de soi et la méfiance de l’autre ? Petit rappel ! Il n’y a pas de péché de la chair, il n’y a de péché que contre la chair. Comment présentons-nous les exigences de l’évangile ? Sommes-nous
rabat-joie, ou au contraire croyants de la joie de Dieu ? Les interdits touchant au corps sont nécessaires, indispensables, comme la patience, l’attente, l’éducation du désir, le respect de l’autre, non pour tuer l’amour mais pour le délivrer, pour l’incarner dans une histoire heureuse.

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Le scandale de la souffrance innocente.

La joie chrétienne ne l’ignore pas, elle ne se dérobe pas. Elle vit et annonce la résurrection au cœur de la passion. Dieu sait nous confier des jeunes en mal de vivre. Il s’agit d’offrir une joie respectueuse de leur souffrance, une joie intérieure, discrète qui ne soit pas insultante mais qui réconforte, soutient, réveille le courage. Qui donne sens aussi. Qui révèle une communion au Christ dans sa passion, communion espérante, Pâques, passage vers la joie qui ne saurait tarder. Dans la désolation, tenir bon les yeux fixés sur Celui qui a vaincu la mort, toutes les morts. Sensibiliser la communauté aux souffrances des autres, entretenir une solidarité fraternelle.

A cause de l’amitié avec Dieu source de toute joie, éduquer à la joie par la prière. Par le silence, la méditation répétée de l’évangile, entretenir une habitude de contemplation, un esprit d’intercession.

3. AU NOM DE L’ESPRIT SAINT… S’ASSOCIER POUR LE BONHEUR DE SERVIR.

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« J’ai tout pour être heureux. Une seule chose me manque, le bonheur des autres« . Yannick Noah.

Le contraire de la joie, c’est l’engourdissement du cœur. Pour agir, une règle : distinguer les bonnes des mauvaises tristesses. La joie rend disponible. Sans joie, le service n’est qu’une corvée. Sans respect, il est un abus de pouvoir. Joyeux et respectueux, le service devient chemin d’épanouissement et d’humanisation.

Par l’apprentissage de la relecture de vie, renoncer à la culpabilisation stérile et paralysante. S’exercer plutôt à éduquer son regard grâce aux quatre verbes du « vivant » :

S’étonner – Qu’est-ce qui t’étonne ? qui ne va pas de soi.

Admirer – La dernière fois que tu t’es enthousiasmé

S’indigner – Qu’est-ce que tu ne supportes pas ? Ce qui te choque et te met en colère.

Se questionner
– Sur quoi t’interroges-tu ? Que mets-tu en œuvre pour voir clair ?

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La solidarité d’un corps face aux besoins du monde.

Un seul corps serviteur. Appelé. Envoyé.

 Quel malheur de n’être appelé par personne !

La joie naît de la confiance qui nous est faite. Elle est un fruit, et porte en elle la promesse de donner du fruit.

Pas de petites tâches. Et pas de travail solitaire. C’est une équipe qui se mobilise, dans la reconnaissance des talents de chacun. « Celui qui veut être grand parmi vous, qu’il se fasse votre serviteur » (Mc 10,44).

 L’engagement au lycée, dans l’Eglise, en aumônerie : ouverture à l’universel, attention à l’actualité. Le service commun met en égalité et en réciprocité. Pensons à la nécessaire organisation, à l’articulation des rôles, en prenant soin d’abord, en permanence, du plus faible…

 La joie pour des jeunes de se sentir utiles aux adultes, d’apporter quelque chose aux communautés.

(Ex : l’expérience de réunions de parents animées par des lycéens.)

A cause de l’amitié avec Dieu source de toute joie, éduquer à la joie par la prière. Entretenir une habitude d’espérance active et d’action de grâce. Initier à la prière d’alliance.

Conclusion

On n’éduque que des libertés. A l’image de Dieu le Père Créateur dont la Gloire est l’homme vivant, la joie de l’animateur culmine au moment où il peut s’effacer, réjoui de voir les jeunes prendre leur envol.

« Moi, je ne suis pas le Christ, mais je suis celui qui a été envoyé devant lui. Celui qui a l’épouse est l’époux. Quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il l’écoute, et la voix de l’époux le comble de joie. Telle est ma joie, elle est parfaite. Il faut qu’il grandisse et moi, que je diminue. » (Jn 3, 29-30).

Lâcher prise pour permettre la joie d’aller porter du fruit ailleurs…

Isabelle PARMENTIER