Entrer dans la joie

Vous trouverez dans ce dossier l’ensemble des interventions de la Session des diocésains des 10, 11 et 12 octobre 2006 à Chevilly-Larue.

Entrer dans la joie

Il m’a été demandé de repréciser la Mission de l’AEP et les conditions d’exercice de cette mission. Je voudrais le faire à partir du thème de notre session : « Au cœur de la mission : LA JOIE ».

J’enracinerai ma réflexion dans la parabole des talents parce que dans cette parabole, l’on peut dire que vivre la mission, c’est entrer dans la joie du Christ. Une joie que nul ne peut nous ravir.

1 – La Mission de l’AEP, c’est de vivre une solidarité réelle avec des jeunes collégiens et lycéens ainsi qu’avec tous les acteurs du monde scolaire dans lequel ils sont immergés. Et cela est une grande joie. C’est bien ce qu’exprime une lettre de mission : être envoyé vers au nom du Christ et de l’Eglise pour vivre avec.

L’Evangile nous invite au respect des personnes, et nous arrivons dans ce monde scolaire des collèges et des lycées avec cette conviction que ce monde, nous le recevons un peu comme les talents de la parabole. Nous n’en prenons pas possession.

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Nous le recevons avec toutes ses composantes : les jeunes, leurs familles, les enseignants, les équipes de direction, le personnel de service, etc..

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Nous le recevons en nous laissant accueillir parfois avec bienveillance de la part de l’administration et du corps enseignant, parfois avec malveillance ; parfois avec de l’intérêt pour ce que nous proposons, parfois avec la plus grande indifférence, pour ne pas dire avec mépris et hostilité dans d’autres cas. Nous pouvons y faire l’expérience d’une laïcité ouverte ou d’un laïcisme étroit.

Même si je force un peu le trait, c’est bien dans ce contexte là que nous sommes envoyés. Nous allons d’abord à la rencontre des jeunes collégiens et lycéens avec tout ce qui fait leur humanité, ce qui les passionne, ce qui les fait vivre, ce qui a du sens pour eux ou ce qui n’en a pas comme ce qui les désespère, les inquiète, ce en quoi ils croient ou en quoi ils ne croient plus, leurs projets, mais aussi leurs contradictions, leurs désenchantements qui les poussent parfois à la dérision.

Tout cet ensemble constitue la matière première de notre mission. Commencer par comprendre ces jeunes collégiens et lycéens de l’intérieur.

Si nous ne vivons pas tout cela avec eux, ou s’ils ne nous sentent pas réceptifs à cela, l’évangélisation ressemblera à un emplâtre sur une jambe de bois !!!

2 – Nous recevons ce monde scolaire des collèges et des lycées, des mains du Seigneur, parce qu’il trouve sa joie dans cette humanité des jeunes qu’Il aime avec ses richesses et ses pauvretés mais avec la certitude qu’avec nous, Il peut la faire fructifier, grandir, s’épanouir, donner le meilleur d’elle-même. Le Christ croit en l’homme, c’est cette foi qui permettra peut-être aujourd’hui, demain ou plus tard à l’homme de croire en Lui.

Il connaît le cœur de l’homme parce qu’avant nous, Il l’a visité par Son Esprit.

Il nous confie donc ce qui a une valeur inestimable pour Lui et s’il nous le confie c’est qu’il nous fait confiance (pardonnez-moi la redondance), mais c’est ce que confirme l’Eglise par la lettre de mission donnée aux responsables et aux animateurs.

L’évêque souligne par cet acte officiel l’importance pour l’église diocésaine de conserver cette présence et cette proximité auprès des établissements d’Enseignement Public et je veux en profiter pour vous témoigner toute la confiance et la reconnaissance de la Conférence des Evêques de France pour cet engagement d’Eglise que vous vivez au quotidien au service des jeunes des collèges et des lycées.

3 – Nous recevons ce monde des jeunes scolarisés en collèges et en lycées, au sein d’une équipe (service diocésain) avec un responsable qui est le cœur de la vie des aumôneries de l’Enseignement Public. Nous ne pouvons pas faire Eglise sans faire équipe, en équipe nous mettons en commun notre foi :

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nous croyons au Christ et nous croyons qu’il peut devenir Bonne Nouvelle pour les jeunes que nous recevons de Lui au sein de nos AEP.
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Comme Lui, nous croyons en ces jeunes, en conservant en nous une capacité d’émerveillement sur ce qu’ils sont, ce qu’ils sont capables de réaliser, tout en demeurant réalistes sur les difficultés.
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Nous avons confiance entre nous, malgré nos différences de sensibilité, de choix, d’options. Ensemble (laïcs, religieux, religieuses, prêtres, diacres), nous nous recevons du Christ pour vivre selon les charismes propres de chacun au sein de l’équipe cette présence d’Eglise auprès des jeunes scolarisés dans le public.
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Ce n’est qu’ensemble que nous pouvons « retravailler la mission de l’aumônerie sur des bases nouvelles pour en dire la validité et la pertinence dans le contexte précis de la laïcité qui est le sien » (Projet de changement de fonctionnement pour l’AEP).

En équipe, nous partageons notre joie, elle est une composante nécessaire de la vie d’équipe. Elle ne masque pas les problèmes rencontrés, mais elle met en valeur le positif de ce que nous vivons et de ce que les jeunes nous font vivre.

L’équipe diocésaine est un lieu où l’on réfléchit, où l’on évalue, où se bâtissent les projets, où l’on prie, où l’on se réjouit ensemble.

4 – Notre joie ne cache pas les tensions qui existent :

Nous avons le sentiment que ce qui nous réjouit dans notre mission en AEP, ne réjouit pas nécessairement tout le monde même à l’intérieur de notre église diocésaine. Nous pouvons avoir parfois le sentiment de vivre un décalage, doublé d’un sentiment d’incompréhension entre ce qui est vécu sur le terrain pastoral des AEP et la manière dont ce vécu est reçu dans notre église diocésaine. Nous pouvons même à certains moments ne pas nous sentir reconnus alors que c’est notre église diocésaine qui nous a envoyés et douter un peu d’elle.

Cela peut même nous conduire à des remises en question sur la confiance que l’on nous fait alors que je la présentais plus haut comme une condition nécessaire à toute mission.

Nous le savons par expérience, la fructification n’est pas spontanée, ni immédiate sur ce terrain d’évangélisation que représente l’enseignement public. Les fruits sont parfois lents à apparaître et ce n’est pas en tirant sur la tige que la plante poussera plus vite. En AEP, nous vivons un véritable travail d’endurance.

Par expérience également nous savons que les jeunes ne sont pas forcément là où on les attend et qu’ils sont même parfois là où on ne les attend pas.

Et comme je le disais en commençant, nous vivons avec, et c’est même notre joie.

Nous savons aussi qu’avec eux l’Evangile avance pas à pas, touche par touche comme on peint un tableau.

Ce que nous vivons avec eux,

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nous questionne
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questionne notre vie d’équipe diocésaine,
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nous remet en question,
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parfois nous bouleverse,
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mais aussi nous édifie et nous fait grandir dans notre propre foi,
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voire nous évangélise.

Et notre travail, notre mission, c’est justement par les projets que nous proposons, de répondre à ces questions dans un langage, une culture, des expressions qui leur parlent comme les paraboles parlaient au cœur des auditeurs de Jésus.

On ne nous comprend pas toujours mais c’est inévitable. Ce n’est pas parce que l’on veut se marginaliser, ou faire bande à part, ou par esprit d’opposition, mais par fidélité à la mission spécifique qui nous a été confiée et qui pourra être mal accueillie et mal comprise. La fidélité aux jeunes que nous accompagnons, peut nous entraîner beaucoup plus loin que nous ne l’aurions imaginé en nous situant véritablement dans ces champs lointains de la mission où ils évoluent.

L’important demeure toujours le dialogue et la communion qui manifestent que nous appartenons à l’Eglise du Christ fondée sur les apôtres, sacrement du salut pour tous. Nous vivons la foi au cœur de l’Eglise que nous aimons et en même temps à sa périphérie avec des jeunes qui ne la connaissent pas du tout ou qui la connaissent peu. C’est cela qui nous met en tension.

5 – Je reprends le fil rouge de la parabole des talents par où j’ai commencé, pour dire que si le Maître a confié sa fortune à ses trois serviteurs, c’est qu’il avait non seulement confiance en eux mais en leurs capacités. Il ne leur a pas demandé comment ils s’y étaient pris pour faire fructifier son avoir. Il leur a fait confiance. Deux ont exercé à fond leurs compétences, le troisième pas du tout.

Dans nos équipes diocésaines, nous avons du potentiel de créativité, nous ne manquons pas d’idées, nous maîtrisons les pédagogies, nous savons monter des projets, des célébrations, des camps, des temps de prière et nous avons du savoir faire. Nous ne repartons pas tous les matins de zéro, mais nous sommes héritiers d’une longue et belle tradition. Mais ce qui doit toujours demeurer, me semble-t-il, c’est que tout ce que nous mettons en route, ne soit pas uniquement pour les jeunes, mais que nous le fassions avec eux. C’est là une grande joie de réussir avec eux. L’AEP, c’est leur aumônerie. Ce n’est pas simplement une église d’adultes qui leur organise ce qu’elle croit être bon pour eux, mais une Eglise qui leur fait confiance, qui les aide à faire fructifier les dons qu’ils ont reçus, par la part active qu’ils prennent au sein de leur aumônerie et qui confirme que déjà maintenant, ils ont leur place au sein de l’Eglise.

6 – Les changements, parlons-en : La mission du SNAEP au plan national s’organise autrement au sein d’un Service national pour l’Evangélisation des jeunes, scolaires et étudiants.

Nous sommes encore, vous le devinez, en période de rodage. Mais ce qui est sûr, c’est que le SNAEP ne rentre pas dans un grand tout indifférencié. Au sein du service national, le SNAEP conserve toute son autonomie et son fonctionnement.

Dans la feuille de route du SNAEP, il nous a paru prioritaire que le travail de Claire consiste à se centrer davantage et de manière plus souple sur l’aide à apporter aux responsables diocésains et à l’accompagnement des provinces tout en maintenant ce service d’expertise, d’information et de réflexion touchant les questions propres à l’évangélisation des adolescents scolarisés dans les collèges et lycées de l’Enseignement Public.

Il nous a paru, également que dans cette nouvelle configuration, les rencontres provinciales devenaient encore plus nécessaires pour aider les diocésains dans l’exercice de leur mission.

Lieu de recul, de relecture, d’évaluation des évolutions, d’échanges d’expérience, de mutualisation des moyens et des compétences, d’élaboration de projets communs.

Il me semble également que le travail en province, en diocèse et la rencontre annuelle qui manifeste notre engagement commun dans la mission représentent les trois piliers qui sont nécessaires pour bien vivre notre engagement à quelque niveau de responsabilité que ce soit.

Notre mission épiscopale, celle du Père HERBRETEAU et la mienne, est collégiale. Nous sommes deux à accompagner conjointement la MEC et le SNAEP afin d’assurer la veille épiscopale.

Il ne s’agit pas pour nous d’exercer une mission de surveillance, mais de participation et je peux dire que nous l’exerçons l’un et l’autre à trois niveaux :

Diocésain, provincial, national.

Nous participons à la vie du Service National où travaillent en synergie la MEC et le SNAEP.

Nous participons en alternance au rassemblement national du SNAEP.

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Cette proximité de contact avec les responsables diocésains de l’AEP,
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Notre participation au travail en session nationale,
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L’activité de veille que nous réalisons au service de Claire et du SNAEP,
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L’accompagnement du S.N.E.J.S.E.

forment la composante majeure de la mission qui nous a été confiée par le Conseil pour la Pastorale des Enfants et des Jeunes et son président Mgr Benoît RIVIERE.

Et croyez que cette mission nous passionne et nous remplit de joie.

+Norbert TURINI

Evêque de Cahors.

Claire Escaffre, secrétaire nationale des AEP

MEC : Mission Etudiante Catholique