Entrée libre dans un projet (3)
III – La prise en compte de l’échec
L’échec fait partie du projet lui-même. Que mettre en œuvre pour tenter d’éviter les échecs ? S’ils sont là, que faire pour raccommoder les choses ? Échouer, c’est signe que nous sommes vivants. Mais il faut nuancer ce propos car l’échec peut aussi faire mourir. Il y a comme un dosage : ce que nous sommes capables de vivre. Sachant qu’il y a là une plasticité.
L’échec doit pouvoir nous interroger sur :
a) La question de la performance (folie des sociétés modernes). Qu’est-ce que nous voulons mettre en œuvre : favoriser du lien, de la relation ou devenir le plus performant possible ? Quel est notre critère d’évaluation : la réussite ou la fécondité ? La fécondité peut être très ténue, mais prend toute l’existence. Une pratique est féconde lorsqu’elle ouvre à d’autres des chemins de liberté, d’autonomie non solitaire. Il importe de relativiser la performance.
b) La question du changement : L’échec peut être un indicateur que l’on s’est trompé. Le changement, à travers l’échec, peut permettre la réorientation du projet. Savoir réorienter son projet ou le projet du groupe. Changer, c’est être vivant, c’est être capable de changer de place, de poser un autre type de regard. C’est être averti parce qu’on se connaît mieux. C’est une manière d’apprendre de nous-mêmes, du monde, quelque fois d’une manière douloureuse.
c) La question du succès, de la réussite : se poser la question : quel est le succès que nous attendons, quelle réussite attend-on ?
Qu’est-ce que « réussir sa vie » ? On peut être malade et bien portant. On peut échouer et réussir. Il est nécessaire de sortir d’un imaginaire du succès, de la perfection. La vie chrétienne parle de sainteté et non de perfection.
La modalité de la sainteté consiste à revenir sans cesse vers son Dieu. Il nous faut apprendre à sortir de la perfection comme idéal. La sainteté et la fidélité sont liées à la notion de persévérance (cf. les prophètes) et de revenance (le peuple parti adoré les faux dieux et revenu vers le Dieu unique). Le but, c’est de mener une vie bonne, malgré les difficultés et les limites.
Interroger la finalité du projet : il est des échecs qui sont des ruptures, et diffèrent en cela des échecs que l’on peut intégrer. La question à se poser est de savoir qui, à ce moment-là, se tient auprès de la personne qui vit cette déflagration. Quelqu’un qui a foi en elle, qui a de l’espérance, et de l’espérance en Dieu si possible, et de l’estime (charité). Car après un tel échec, on ne croit plus en rien, ni en soi. Bannir alors les : « on tourne la page, on refait sa vie ». C’est là que l’espérance biblique prend tout son sens : une espérance de nuit, quand on ne voit rien. C’est là le sens, entre autre, du Triduum pascal, spécialement du vendredi saint. Cette posture de l’être est fondamentale quand il y a déflagration, brisure. Comment nous tenons-nous à côté d’une personne qui a connu un échec ? C’est de l’ordre de l’accompagnement : permettre de cheminer dans la nuit… Peut-être alors un avenir s’ouvrira, qui ne nous appartient pas. Et en même temps il est fondamental que la vie se manifeste.