Entrée libre dans un projet (2)
II – Le rapport au temps
1 . Les racines : le rapport au passé.
Un projet demande des racines, une mémoire, quel que soit le projet. Mémoire de sa propre existence pour être capable de s’interroger sur le motif qui décide. Faire appel au désir, s’appuyer dessus : quel est le désir qui me porte ? Le désir et non la seule volonté : elle est présente mais ce ne doit pas être le point d’appui. Il s’agit d’un travail difficile car notre mémoire est marquée de bonheur ou de malheur. C’est rendre possible un rapport à son histoire pour que cette histoire puisse être engagée dans ce qui se passe aujourd’hui. C’est une vraie chance de réussite que de pouvoir enraciner un projet dans la mémoire.
La douleur peut être enracinée dans ce passé. Il y a un nécessaire travail de vérité pour parvenir à un assentiment (de consentir) de son passé, de sa mémoire, pour que la mémoire puisse répondre de l’avenir. « II y a des cadavres dans nos placards ! ». Il s’agit de donner son assentiment plutôt qu’assumer. « Oublier plusieurs fois pour enfin se souvenir ; et se souvenir enfin pour pouvoir oublier ». Nécessité de donner son assentiment à nos blessures ou à une histoire communautaire blessée, entachée, pour donner un avenir. Dire cela, c’est dire quelque chose de l’importance de la filiation, dimension anthropologique fondamentale. Nous sommes parties prenantes dans notre généalogie, d’autres ont transmis avant nous. « Je suis reliée, mais ce lien n’est pas enfermant. » C’est permettre l’accès à l’autonomie. L’autonomie doit être reliée à ce qui précède, une réponse à quelqu’un qui vous appelle à devenir vous-mêmes. C’est donner la possibilité de répondre à ce lien de filiation : autonomie de réponse. Pouvoir rendre compte que nous sommes reliés va permettre d’accéder à sa propre existence. S’il y a refus de mémoire, respecter ce refus.
Comment contourner l’obstacle ? Mais on ne pourra bâtir un projet que si on a des racines. Il n’y a pas d’histoire tellement close qui ne pourrait ouvrir sur l’avenir.
2. La promesse : le rapport à l’avenir.
Faire un projet, c’est croire du sein de l’incertitude. L’avenir est toujours incertain. Il y a beaucoup d’imprévus sur le chemin : politiques, institutionnels, professionnels, personnels… Faire des projets, c’est croire que l’on peut faire de l’incertitude une alliée – généralement elle est ennemie.
Enracinez-vous dans votre tradition chrétienne ! Le temps (quel que soit ce qu’il dure) est toujours ouvert ! Pour la tradition chrétienne, le temps est toujours un temps ouvert, le christianisme n’est pas une religion de la fatalité à cause de la Promesse. Obligation de la vertu de promesse. Le projet n’est pas un « bétonnage » de l’avenir, d’ailleurs impossible, mais il est stabilisateur de l’avenir dans un monde incertain pour nous.
Seul l’humain est capable d’apprentissage pour du long terme. Le projet va être là pour fortifier dans l’incertitude qui demeure, donnera la sécurité dans l’incertitude : nous ne sommes pas seuls, une communauté portée par le Christ nous entoure. C’est magnifique, sachant que cela ne garantit de rien dans la vie. Mais cela donne force.
Par exemple : entrer dans la signification des sacrements de l’initiation, avec du goût pour la vie de ceux auxquels s’adresse le projet. Vivre ces sacrements, c’est être relié à d’autres et ensemble être reliés à un Autre. Cela participe à la vertu de force – non celle des muscles – mais ce qui fortifie la vie intérieure, qui apporte une sécurité de fond, et qui peut se trouver menacée par des doutes, la vie, les épreuves. Force qui permet d’être suffisamment maître chez soi, d’avoir une structure personnelle pour faire face à l’insécurité.
3. Le présent se décline sous la forme de l’engagement.
Le projet doit pouvoir être porteur d’engagement, permettre la capacité à s’engager : vie amoureuse, vie professionnelle… Quelle capacité d’engagement le projet va-t-il favoriser ? S’engager : s’impliquer, se responsabiliser avec de la lucidité, avec de l’espérance. Implication : je m’implique avec ce que je sais de mon existence. Le projet va favoriser la responsabilité, va faciliter une capacité à répondre de ses actes, d’autrui, dans la solidarité.
Le projet est de l’ordre de l’art de vivre, une façon d’habiter la vie. Il doit rendre plus humain, plus vrai, plus juste, plus croyant.
Faire attention à ne pas appeler projet des « stratégies », tout ce qui concerne la jalousie, l’appropriation de richesse, destructions, etc.… Il y a des stratégies qui font mourir. Nos projets sont-ils des projets ou des stratégies ? Le projet est dirigé vers la vie.