Entrée libre dans un projet (1)
I – Des fondations
Ce qui peut soutenir la démarche, les questions préalables à se poser avant de faire un projet. Qu’est-ce qui peut soutenir un projet évangélique ? Quels sont les liens à honorer ? Ces fondations se feront à partir de trois points : le lien entre le singulier, le particulier et l’universel.
1. Du singulier au particulier vers l’universel
Qu’est-ce qui me motive ?
Quel est le groupe pour lequel je travaille ?
Qu’est-ce qui me tient à cœur pour tout humain ?
* Le singulier , le désir initial, c’est la motivation même de la démarche. C’est le point de départ. Qu’est-ce qui me met en route ? Un souci initial, quelque chose qui…, une question. Qu’est-ce qui me préoccupe pour quoi je vais bâtir un projet ? Il est propre à chacun. Il doit se situer à la base de la situation de projet. Le singulier révèle toujours le mystère d’un sujet de liberté.
* Le particulier, la situation particulière de départ, c’est le réfèrent : ce peut être un
groupe de jeunes, d’adultes, école, paroisse… une communauté (le particulier) pour laquelle je vais mettre en œuvre ce projet. À qui je m’adresse ? où je me trouve ? Quels sont nos liens, quels rapports affectifs ? Bref, je ne suis pas tout seul. D’autres ont réfléchi avant moi, et le font avec moi. Quels sont nos groupes d’appartenance ? De référence ?
* L’universel, l’enjeu, il peut être éducatif, pédagogique. C’est « ce qui tient tant à
cœur » ensemble ! Quel est l’enjeu fondamental que je désire honorer ? Il tient compte de la liberté et du respect des personnes, la dignité de l’autre. L’universel renvoie à ce que je voudrais promouvoir pour chacun, dans une situation identique. Quelle est la valeur – qui rend compte de l’humain – et que je veux défendre, promouvoir, dans mon action ?
2. Le trépied (de type anthropologique)
Nos existences tiennent dans la mesure où sont soutenus trois points d’appui :
* La sphère intime, liens privés, familiaux, les relations d’amour, d’amitié.
* La reconnaissance sociale : elle est nécessaire à chacun. Se sentir utile, partie prenante. Avoir sa place, jouer sa partition. Beaucoup de nos souffrances proviennent de la mise en ébranlement de ce pilier, par le chômage, ou la déconsidération (« placard »), ou encore du chantage, du harcèlement, etc.
Le sens de l’existence : quel est le sens que je donne à ma vie, à mon travail, le sens de mes amours, question de la transcendance. C’est là que prend place l’importance donnée à la vie chrétienne. Mais on peut bien sûr penser d’autres transcendances « laïques ». Est essentiel de ne pas sous-estimer ce pôle. Nous ne pouvons vivre sans donner sens, direction, goût, à nos histoires.
Quand l’un de ces pieds est fragilisé, les autres en souffrent. Mais s’ils sont assez solides, ils vont résister. Et permettre ainsi que du temps soit consacré au pôle fragilisé.
Mais la solidarité du trépied fait que si je ne fais pas attention, les trois peuvent rapidement se rompre. Pour mener un projet de vie, il faut toujours se demander comment chacun de ces pôles va en être affecté.
Si l’on souhaite bâtir un projet qui rende le groupe plus vivant, il convient de se demander comment un de ces pôles doit être affermi.
Le projet doit rendre les autres et nous-mêmes plus vivants, fournir plus de sens dans l’existence de ceux pour qui il est bâti.
Comment ce que nous allons faire va faire grandir de la vie ? Le projet doit porter le souci de prendre en compte les 3 dimensions. Elles vont donner du corps au projet, de la densité !
3. Une posture éthique
Comment faire pour faciliter l’adhésion des jeunes, tout en ayant le souci des autres ?
* Posture éthique de la parole : il faut formuler, mettre des mots, s’attacher aux mots justes, favoriser l’échange, la discussion, pas seulement l’écoute, prendre le temps de la Parole. Parole où l’on va discuter, peut être s’affronter. Développer l’éthique de la discussion : toute parole compte, doit avoir un vrai poids dans la discussion. Être attentif à inclure tout le groupe qui est concerné, sans jouer de son autorité, dans une posture non-violente, non-manipulatrice. Arriver à créer des instances de paroles, au risque de l’inefficacité temporaire. On ne peut bâtir un projet s’il n’y a pas ces discussions. Cette étape est nécessaire pour arriver au consensus, pour que se dégage un pas vers l’unanimité, même de la part de ceux qui ne voulaient pas au début.
b) Posture éthique de la promesse : ce que nous mettons en œuvre doit être ouverture sur l’avenir. Quelle promesse se tient à l’intérieur du projet : promesse d’autonomie, d’estime de soi ? Comment la connaissance va pouvoir se relier à une promesse. Ceci rejoint l’universel.
c) Posture éthique de la patience, envers nous-mêmes, au sens de la nécessaire durée ! Savoir attendre, être en veille. Ne pas attendre un résultat rapide. Il faut du temps aux enfants pour entrer dans une démarche. Patience pour pouvoir voir surgir ce que l’on attend, mais aussi de la nouveauté, de l’imprévu. C’est du bonheur. La patience est une vraie vertu, un bonheur de la veille du regard… Il est heureux de veiller avec, veiller pour… grandir, aimer peut-être…
Faire la relecture, regarder le rapport entre construction et évaluation. Ceci va nous aider à savoir faire une distinction entre projet et projection :
Projet – > jeter quelque chose devant soi
Projection – > se projeter devant soi
Ces fondations sont là pour nous mettre en garde entre « projet » et « projection ».