GPA, Gender, euthanasie… La charge du Vatican contre les « violations » de la dignité humaine
Le dicastère pour la Doctrine de la foi a publié le 8 avril Dignitas infinita, un document qui liste les « violations graves à la dignité humaine », comme la GPA ou le changement de sexe, en rappelant la position de l’Eglise sur ces phénomènes récents.
Par Agence I.Media – Riccardo De Luca/AP/SIPA
08/04/2024
« Face à tant de violations de la dignité humaine qui menacent gravement l’avenir de l’humanité, l’Église encourage la promotion de la dignité de toute personne humaine », est-il affirmé dans la déclaration doctrinale Dignitas infinita (« Une infinie dignité », en latin) du dicastère pour la Doctrine de la foi, publiée le 8 avril 2024. Ce document souligne la position de l’Église sur des phénomènes récents et condamne fermement, entre autres, la théorie du genre, le changement de sexe (sauf exceptions), la gestation pour autrui ou encore l’euthanasie.
Document de 24 pages, Dignitas infinita est le résultat d’un travail de cinq ans mené par les experts du dicastère garant du dogme dans l’Église catholique. Un premier projet élaboré en 2019 a été révisé à plusieurs reprises, notamment à la demande du pape François qui a souhaité mettre en évidence certaines thématiques (guerre, migrants, pauvretés, femmes….). Le texte final, signé par le cardinal Victor Manuel Fernandez, préfet du dicastère, a été approuvé par le pontife le 25 mars dernier.
Après une longue partie théorique pour définir le concept de dignité humaine, le document propose une liste non exhaustive de « violations graves à la dignité humaine ».
Dénonciation de la « théorie du genre »
La déclaration dénonce la ‘théorie du genre’ qui « cherche à nier la plus grande différence possible entre les êtres vivants : la différence sexuelle ». Rome insiste sur le fait que c’est dans la dualité homme-femme que se réalise « la plus admirable réciprocité », notamment en permettant la naissance d’enfants. « Vouloir disposer de soi, comme le prescrit la théorie du genre (…) ne signifie rien d’autre que céder à la tentation séculaire de l’être humain se faisant Dieu », est-il souligné.
Fustigeant une idéologie qui envisage « une société sans différence de sexe et sape la base anthropologique de la famille » tout en niant « le respect de son propre corps et de celui d’autrui », le document juge « inacceptable » la « prolifération de nouveaux droits avancés par la théorie du genre ». « Toutes les tentatives visant à masquer la référence à la différence sexuelle inéliminable entre l’homme et la femme doivent être rejetées », écrit le dicastère pour qui la « consistance scientifique » de cette théorie « fait l’objet de nombreux débats ». L’Église ne nie pas le rôle socio-culturel du sexe (gender) et considère qu’il peut être distingué, mais non séparé, du sexe biologique.
La déclaration prend toutefois le soin de souligner que toute « discrimination », l’emprisonnement, la torture ou le meurtre de personnes « uniquement en raison de leur orientation sexuelle », tel que cela est pratiqué « dans certains endroits », est « contraire » à la dignité humaine.
Non au changement de sexe, sauf cas particuliers
« Toute intervention de changement de sexe risque, en général, de menacer la dignité unique qu’une personne a reçue dès le moment de sa conception », affirme la déclaration, insistant sur l’importance de la dignité du corps humain, notamment « dans sa condition sexuée ».
Dignitas infinita reconnaît néanmoins qu’il existe des exceptions en terme d’opération de changement de sexe, notamment dans le cas « d’une personne présentant des anomalies génitales qui sont déjà évidentes à la naissance ou qui se sont développées plus tard ». Dans ce cas, le fait de « recevoir une assistance médicale afin de résoudre ces anomalies » ne rentre pas dans le cadre de la mise en garde du Vatican contre le changement de sexe.
Condamnation de la Gestation pour autrui (GPA)
L’Église prend position « contre la pratique des mères porteuses, par laquelle l’enfant, immensément digne, devient un simple objet » et demande l’interdiction de cette pratique au niveau universel. L’enfant, insiste le document, a le « droit » d’avoir « une origine pleinement humaine et non artificielle » en recevant le « don d’une vie qui manifeste en même temps la dignité de celui qui la donne et de celui qui la reçoit ».
« Le désir légitime d’avoir un enfant ne peut être transformé en un ‘droit à l’enfant’ qui ne respecte pas la dignité de l’enfant lui-même », insiste le texte. Il est aussi souligné combien la pratique de la GPA porte atteinte à la dignité de la femme qui est réduite à « un simple moyen asservi au profit ou au désir arbitraire d’autrui ».
Renouvellement de la critique de l’avortement
Le document rappelle que « le Magistère de l’Église s’est toujours prononcé contre l’avortement ». Pour autant, il insiste sur le fait que « la seule raison est suffisante » pour se positionner contre cette pratique et dénonce le développement d’une « terminologie ambiguë comme celle d’interruption de grossesse » qui vient « atténuer la gravité dans l’opinion publique ».
Le texte insiste sur le fait que toute vie est sacrée « en toute phase de son développement ». Donnant en exemple « l’engagement généreux et courageux de sainte Teresa de Calcutta pour la défense de toute vie conçue », le texte invite à participer « avec force et clarté » à la « défense de la vie à naître ». Il est aussi souligné l’opposition de l’Église aux pratiques de maintien en vie des embryons à des fins expérimentales ou commerciales.
La fausse dignité de l’euthanasie et du suicide assisté
La déclaration dénonce aussi l’euthanasie et le suicide assisté comme un cas d’atteinte à la dignité humaine « plus silencieux mais qui gagne beaucoup » de terrain. Il y dénonce une « conception erronée » de cette dignité qui la retourne « contre la vie elle-même », notamment quand les politiques promulguent des « lois sur le droit de mourir dans la dignité ».
Le dicastère pour la Doctrine de la foi insiste sur le fait que « la souffrance ne fait pas perdre à la personne malade » sa dignité. Il demande de soulager les maux par « des soins palliatifs appropriés et en évitant tout acharnement thérapeutique ou toute intervention disproportionnée ».
L’euthanasie et le suicide assisté sont en revanche « une atteinte objective à la dignité de la personne qui le demande, même s’il s’agit de réaliser son souhait », insiste le document. Il déplore que l’idée que la dignité humaine soit compatible avec ces pratiques soit « largement répandue » de nos jours. Il est enfin souligné l’importance du respect dû aux corps des défunts.
Une voix contre le féminicide
La déclaration s’arrête de façon détaillée sur le « scandale mondial » des violences contre les femmes. Elle proteste contre toutes les inégalités entre les femmes et les hommes, qui se déclinent dans les salaires, les carrières, ou encore le droit de la famille et les droits du citoyen.
Condamnant « les formes de violence sexuelle qui ont bien souvent les femmes pour objet », dans une culture « hédoniste et mercantile fort répandue », le Vatican mentionne aussi « la contrainte à l’avortement, qui touche aussi bien la mère que l’enfant, si souvent pour satisfaire l’égoïsme des hommes ». La pratique de la polygamie est également évoquée comme une atteinte à la dignité de la femme.
Le DDF s’élève en particulier contre « le phénomène du féminicide », qui « ne sera jamais assez condamné ». Il appelle un engagement « compact et concret » de toute la communauté internationale pour combattre ce fléau.
La face sombre d’internet
Au fil du texte, le DDF s’alarme de la « face sombre » du progrès des technologies numériques, soulignant que « le monde numérique est aussi un espace de solitude, de manipulation, d’exploitation et de violence ». Les réseaux sociaux « peuvent exposer au risque de dépendance, d’isolement et de perte progressive de contact avec la réalité concrète », met-il en garde.
Parmi les tendances qui préoccupent le plus l’Église catholique : le « cyber bizutage », la diffusion de la pornographie, l’exploitation des personnes à des fins sexuelles ou par le biais des jeux de hasard, et le « cas extrême du dark web ». Le DDF souhaite que la communauté humaine soit « proactive » pour s’assurer qu’internet soit un espace offrant « plus de possibilités de rencontre et de solidarité entre tous ».
Dignité sans condition des personnes handicapées
« Les personnes handicapées souffrent parfois de marginalisation, voire d’oppression, étant traitées comme de véritables “déchets” », s’attriste l’Église. La déclaration souhaite « l’inclusion et la participation active à la vie sociale et ecclésiale de tous ceux qui sont, d’une manière ou d’une autre, marqués par la fragilité ou le handicap » et appelle à prendre en charge la personne « dans sa situation la plus marginale et angoissante ».
Dans la présentation du document, le cardinal Fernández affirme d’ailleurs la dignité humaine « indépendamment de toute déficience physique, psychologique, sociale ou même morale ».
Mettre fin à tous types d’abus dans l’Église
Dignitas infinita consacre un paragraphe à la question des abus sexuels, qui laissent « de profondes cicatrices dans le cœur de celui qui le subit ». Reconnaissant que ce phénomène diffus dans la société, « touche aussi l’Église et représente un sérieux obstacle à sa mission », le texte affirme « son engagement constant pour mettre fin à tous les types d’abus, en commençant par elle-même ».
Des thématiques chères à François
Le document énumère d’autres injustices qui portent atteinte à la dignité humaines, comme « l’extrême pauvreté, liée à la répartition inégale des richesses », les guerres, « à notre époque, où il est devenu normal que tant de civils innocents meurent en dehors du champ de bataille », l’exploitation des migrants ou encore la traite des personnes. Tout autant de thématiques chères au pape François, et centrales dans son magistère.