Edito « Il nous est impossible de nous taire » – Newsletter octobre

Edito « Il nous est impossible de nous taire »

(Actes 4, 20)

Photo : THOMAS COEX/AFP

Nous terminons une semaine marquée par la douleur et la honte devant tant de crimes perpétrés au cœur même de l’Eglise. Nous peinons à reprendre souffle devant une catastrophe humaine qui inflige une telle blessure à l’humanité et aussi à l’Evangile.

Des jeunes, adolescents ou adultes, cheminent avec nous. Des animateurs et des personnes engagés dans la pastorale travaillent avec nous. Des familles nous font confiance et nous interpellent.

Quelles attitudes dans notre rôle pastoral ?  Je me permets de vous partager trois petites pistes pour notre réflexion et notre agir. La semaine prochaine, nous reviendrons aussi vers vous avec quelques éléments plus concrets.

1/ Une exigence d’écoute : l’apostolat de l’oreille.

Le choc de ces derniers jours est d’abord une invitation à écouter. La théologienne Marion Muller-Collard, membre de la commission Sauvé, nous parle de l’exigence de « recevoir » ce qui est nous est dit. « Recevoir la parole première » celle des personnes victimes.  C’est un travail et nous pouvons demander la grâce de la justesse dans l’écoute. Bien sûr, prenez le temps de lire le résumé du rapport (ou des articles qui le relatent) et aussi le texte bouleversant, exigeant :  « De victimes à témoins » sur le site : www.ciase.fr

Je pense à la belle formule du Pape François lors de l’eucharistie de clôture du Synode des jeunes (28 octobre 2018) quand il évoque « l’apostolat de l’oreille » :

« Voilà la première étape pour faciliter le cheminement de foi : écouter. C’est l’apostolat de l’oreille : écouter, avant de parler. Pour Jésus, le cri de celui qui appelle à l’aide n’est pas un dérangement qui entrave le chemin, mais une question vitale. Comme il est important pour nous d’écouter la vie ! Les enfants du Père céleste écoutent leurs frères : non pas les bavardages inutiles mais les besoins du prochain. Écouter avec amour, avec patience, comme Dieu le fait avec nous. Dieu ne se fatigue jamais, il se réjouit toujours quand nous le cherchons. Demandons, nous aussi, la grâce d’un cœur docile à l’écoute ».

Cette écoute est aussi une écoute dans la prière, où nos sentiments mêlés (confusion, honte, révolte, lassitude, dégout, méfiance, colère, etc…) sont offerts au travail du Saint-Esprit.

2/ Ouvrir des espaces de paroles

Nous avons besoin de parler de ces révélations. On ne s’en sort que par la vérité. C’est dans l’accueil humble des souffrances des personnes victimes (toujours à mettre au centre de nos préoccupations) que nous trouverons les mots justes pour ouvrir l’espace de la parole.

Oui, le travail de lumière et de vérité est aussi un travail de la parole. A chacun de trouver, selon les tranches d’âges les justes paroles, les bons outils, les bonnes médiations aussi. Faisons-nous aider quand nous nous sentons démunis, faisons appel à des personnes extérieures, des professionnels quand c’est nécessaire.  En tous cas, nous ne pouvons pas rester muets devant ces révélations.

Avec les plus jeunes, le psychanalyste Jean-Pierre Winter nous suggère par exemple (la Croix de ce mercredi 6) de rappeler « qu’un prêtre est un homme et, qu’en tant que tel, il peut commettre des actes répréhensibles », tout en leur disant « que cela ne concerne pas tous les prêtres et que les valeurs de l’Église » demeurent. « Ce qui s’est passé ne doit pas forcément entamer la crédibilité de toute l’institution ; on peut citer des exemples positifs comme le Secours catholique qui s’occupe des plus démunis », pour leur redonner confiance en l’humanité.

Avec les plus grands, on pourra aborder -en son temps- certains des thèmes qui nous travaillent. Lors du repas d’hier, voici les thèmes abordés par quelques jeunes pros au rythme d’une conversation souhaitée : Quelle responsabilité pour chacun de nous ? Sentiments de honte ou de colère ? Que veut dire péché par omission ? Quelle différence entre silence et secret ? Qui veille sur les prêtres ?

Dans les prochains jours, laissons monter ces questions qui interrogent notre église mais aussi notre société. La démarche synodale (Synode sur la synodalité) qui démarre officiellement à Rome ce dimanche 10 octobre puis dans nos églises locales le dimanche 17 octobre nous conforte dans ces espaces de paroles autour de ces trois thèmes : communion, participation, mission.

3/ Purification de la Mission

La mission justement. Comment comprendre la concomitance d’événements si enthousiasmants comme le Congrès Mission (17000 participants dans 9 villes de France dont de nombreux étudiants et jeunes pro) et si douloureux comme l’accueil de ce rapport de la Ciase ? S’agit-il de deux réalités si différentes ? Ou au contraire, l’étape d’humiliation et de purification qui est devant nous n’est-elle pas justement ce qui va donner le juste visage de la mission ? Soyons clairs :  Il n’y a pas d’un coté les mauvaises nouvelles qu’il faut essayer de vite oublier et de l’autre côté le Christ ressuscité qui illumine.  Au contraire, l’Eglise, corps du Christ, est refuge des pécheurs et des malades. Le missionnaire, le témoin est un pauvre : la pertinence de son annonce vient  qu’il se sait pauvre et dépositaire d’une Parole qui le dépasse.

« L’Eglise enferme des pécheurs dans son propre sein, elle est donc à la fois sainte et toujours appelée à se purifier, poursuivant constamment son effort de pénitence et de renouvellement»

(Lumen Gentium 8).

La véritable mission ne vient que d’une Eglise qui se laisse elle-même évangéliser et purifier. Elle prend sa source à la Croix, elle tire sa force du côté blessé.  La concomitance des deux événements nous ouvre donc le chemin d’une mission sans cesse plus ajustée, jamais conquérante, toujours humble et centrée sur l’expérience humaine d’un Dieu qui se fait proche des pauvres et des rejetés.

C’est ce Dieu que nous voulons annoncer et nous ne pouvons le taire ! Surtout auprès des jeunes générations dont si peu ont entendu parler de ce Dieu d’amour et de tendresse (aujourd’hui en France 4/5 des jeunes n’ont pas reçu d’éducation religieuse). Oui, sa justice et sa miséricorde sont plus fortes que nos turpitudes ou nos omissions. C’est d’ailleurs le thème de la prochaine semaine missionnaire mondiale, du 17 au 24 octobre : « il nous est impossible de nous taire » (Actes 4, 20). Thème prophétique pour notre Eglise de France.

Ce mardi 5 octobre retentit comme un appel déchirant à nous convertir et à nous déterminer pour le bien. Ce fut un jour de vérité, salutaire et indispensable si nous souhaitons ouvrir un chemin d’Esperance, car « on ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts » (Bernanos, cité par Sr Veronique Margron)

Que chacun se sente conforté par l’Esprit Saint, et prenons le temps de refaire nos forces dans la prière et l’attention fraternelle.

Vous pouvez comptez sur notre service et notre soutien.

Bien fraternellement en Jésus,

P. Vincent Breynaert, directeur du SNEJV

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