Vocations : Mgr Aveline répond aux questions des jeunes
A l’occasion de la Journée mondiale de prière pour les vocations, Mgr Jean-Marc Aveline a répondu aux questions des étudiants et jeunes pros du diocèse de Marseille.
Réalisée par Dominique, de la Pastorale des étudiants et jeunes pros du diocèse de Marseille, à l’occasion de la 57ème journée mondiale de prière pour les vocations.
Retranscription de l’interview
Dominique : Bonjour Monseigneur Aveline, merci de nous accueillir, merci d’avoir répondu à l’invitation des jeunes étudiants et jeunes professionnels du diocèse de Marseille.
On voulait vraiment vous rencontrer à l’occasion de la 57ème Journée de prière pour les vocations, qui a lieu aujourd’hui. Vous avez écrit sur la Théologie de la vocation et sur le discernement vocationnel en 2018, en parallèle du synode des évêques sur les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. Vous aviez lancé un Conseil pastoral des jeunes, à Marseille, dont j’ai fait partie, c’était vraiment une belle grâce.
Le pape a écrit Christus Vivit, l’exhortation qui a suivi ce synode, et touché le sujet de la vocation. On est ravi de pouvoir échangés concrètement avec vous, de pouvoir poser nos questions, et entendre aussi ce que vous voulez nous partager.
Mgr Aveline : Merci, très volontiers.
Dominique : Avant de vous poser les questions, est-ce que vous pouvez nous partager un passage de la Bible, en lien avec la vocation, qui vous touche particulièrement et que vous pensez qu’il va résonner dans nos cœurs en nous le partageant ?
Mgr Aveline (1 :29) : Il y a beaucoup de passage dans la Bible qui parle de la vocation, bien sûr il y a l’Appel de Samuel par exemple quand il est tout petit avec Elie, l’Appel des disciples au bord du lac, ou quand ils sont avec Jean-Baptiste et qu’ils suivent Jésus. Ce qui me marque le plus, ce n’est pas un récit d’Appel, mais un tout petit passage qu’il y a au tout début du livre de l’apocalypse où il est dit aux vainqueurs (ce qui ont traversé la grande épreuve) : « je donnerai sur l’autre rive un caillou blanc, sur lequel est écrit un nom que ne connaît que celui qui le reçoit ». Ap. 2,17
(2 :28) Pour moi c’est plutôt ça qui m’éclaire, la vocation, ma vocation, je ne la comprendrai vraiment qu’à la fin. Quand je relirai sur l’autre rive, plongé dans le regard de Dieu, quand je relirai ma vie et que je comprendrai mieux ce que je n’avais pas compris en chemin.
En chemin, j’aurais fait des choix, et c’est sûr que la vocation ce sont des choix que l’on fait, mais la réalité, la profondeur d’une vocation, c’est dans le regard de Dieu que je le comprendrai. En tout cas pour moi ça m’aide beaucoup. Si vous me demandez quel est le texte biblique que je me redis souvent pour me dire où tu en es de ta vocation, c’est celui-ci : « tu comprendras plus tard », attend le caillou blanc, et là c’est que pour toi, c’est un nom que le Seigneur donne et par lequel tu peux relire toute ta vie.
Dominique : C’est comme au lavement des pieds où le Seigneur dit à Pierre « tu ne comprends pas tout de suite, tu comprendras plus tard ».
Mgr Aveline : Exactement.
Dominique : Merci pour ce partage. Je voulais juste préciser le terme vocation, on le réduit souvent à « vocation consacrée » alors qu’il y a toutes ces vocations, et comme vous dites c’est vraiment une histoire d’amour avec Dieu.
Mgr Aveline : Oui, c’est toute une vie.
Le mot vocation en français vient du latin vocatio : racine, vocare. On voit bien qu’il y a une dimension d’appel, d’interpellation et de réponse à quelque chose. Il y a tout ça dans ce mot là, mais la réalité d’une vocation c’est la réalité d’une vie. Il faut donc donner au mot vocation un sens très large : qu’est-ce que tu as fait de ta vie ? Qu’est-ce que tu veux faire de ta vie ? Qu’est-ce que je peux faire pour toi a dit le Seigneur, avec moi qu’est-ce que tu veux que l’on fasse ?
Le Seigneur nous appelle, il nous fait grandir, il passe avec nous le chemin. La vocation c’est la vie.
Dominique : Merci, je pense que c’est important avant d’aborder toutes les questions de voir cela, dans sa grande profondeur.
On a eu quelques remontées de questions de jeunes, j’ai essayé de regrouper des questions.
Il y en a sur le lien entre la liberté et la vocation. On parle de l’Appel, parfois ça s’impose à nous. Est-ce qu’il y a un chemin tout tracé ? Quel est notre part là-dedans ?
Le sens de la liberté dans la vocation, qu’est que vous pouvez nous dire ?
Mgr Aveline (5 :00) :
Ce sont des mots communs, mais si on regarde du point de vue de la foi, ils ont une signification assez précise.
La liberté c’est un mot commun, comme la vocation c’est devenu un mot commun. On dit une vocation de pompier, une vocation de médecin…ce sont des mots qui sont devenus communs, mais si on les regarde du point de vue de la foi ils ont une signification profonde.
Le mot liberté pour la foi chrétienne, il y a toujours un lien entre la liberté et la grâce. Il y a quelque chose qui vient de Dieu et qui s’appelle la grâce, mais Dieu qui nous a créé sans nous ne peut pas nous sauver sans nous. Dieu nous donne lui-même ce don de la liberté, qui nous rend capable de travailler avec sa grâce.
La liberté, bien sûr que moi j’ai mon mot à dire, le Seigneur l’attend. Le Seigneur m’a donné la possibilité, me créant à l’image et à la ressemblance de Dieu, de pouvoir exercer moi aussi une liberté analogue à la sienne. Ce n’est pas la même que la sienne, ce n’est pas complétement autre chose que la sienne, c’est analogue, à la fois semblable et dissemblable. La liberté c’est le fait que moi aussi je prends position, moi aussi je fais des choix mais je ne peux le faire que parce que le Seigneur m’a donné la possibilité de le faire. C’est lui qui m’a créé libre, et c’est la grâce qui épanoui ma liberté. Le choix le plus important que j’ai à faire c’est de choisir d’accepter d’être choisi pour être libre.
(6 :50) La vocation c’est un tissage qui muri chaque jour dans une vie. Il y a des jours plus importants, où solennellement on va poser un choix bien sûr, mais on sait bien que même un choix que l’on a posé au moment du mariage, au moment de l’ordination qui est solennel, public, ce choix-là n’est rien s’il n’est pas accompagné ensuite d’une multitude de petits choix, que je fais pour essayer d’être fidèle à mon grand choix. Parfois je n’y suis pas tout à fait fidèle alors je corrige, j’essaye par la grâce de Dieu et par ma liberté.
(7 :27) La vocation c’est le tissage peu à peu, entre quelque chose qui vient de Dieu et quelque chose qui en moi fait des choix en accord si possible avec l’Appel de Dieu. Là je suis libre et personne ne peut répondre à ma place, et le Seigneur peut longtemps me faire signe, si moi je ne veux pas, lui il se tient à la porte et il frappe « si tu m’ouvres ton cœur, je ferais chez toi ma demeure » Ap. 3,20, mais tu es libre. Ce n’est pas parce que tu es libre de dire NON que le Seigneur t’abandonnera à ton NON. Il reviendra, il cherchera, travaillera avec toi pour que tu puisses trouver l’épanouissement de ta vie.
Dominique : c’est un appel au bonheur, donc c’est une proposition de sa part mais il va un peu insister montrant que c’est vraiment là que tu vas être heureux.
Mgr Aveline : Dans l’’Ancien testament Jérémie dit de la part de Dieu : « moi je sais les projets que j’ai pour vous, projets de bonheur et de prospérité. Maintenant c’est à vous de le vouloir aussi. » Jér 29,11s
A la fin du deutéronome « j’ai mis devant toi le bien, le mal, la vie, la mort. Choisi le bien pour que tu vives » Dt 30,19, mais c’est toi qui dois le choisir, avec un infini respect de la part de Dieu devant la liberté de l’Homme.
La liberté de l’Homme a ceci d’extraordinaire que Dieu lui-même s’arrête devant elle, en même temps qu’il la sollicite.
Dominique : Le lien, grâce et liberté, fait penser à la racine avec la réconciliation avec Dieu, parce que parfois pour accueillir la grâce il faut avoir confiance.
Par rapport à mon propre discernement vocationnel, je me rends compte qu’il y a d’abord cette relation avec Dieu qui est importante et qu’il faut un peu balayer toutes ces fausses idées sur Dieu. On l’imagine souvent en haut à nous envoyer la foudre et à dire : « tu es là et un point c’est tout », alors qu’en fait il nous aime gratuitement, il est à nos côtés et nous laisse cheminer librement. Il est là pour nous aider, nous guider. La racine c’est vraiment la relation avec Dieu.
Je ne sais pas si cela vous parle.
Mgr Aveline (10 :05) : Quand l’intelligence de la foi chrétienne essaye de prendre de ce qu’elle croit, elle met en lien la liberté et la grâce, et elle met en lien la foi et la révélation. L’acte de foi c’est aussi une réponse à la révélation de Dieu. La foi ce n’est pas juste un catalogue de croyances que je pourrais cocher en disant « ça je suis d’accord, ça je ne suis pas d’accord », souvent on dit des choses comme ça, ou un catalogue de valeurs que je pourrais cocher. Non, la foi c’est une réponse à la révélation de Dieu, mais d’abord c’est Dieu qui parle.
David raconte cela, Dieu créé par la parole et puis Dieu parle, c’est ça que l’on appelle la révélation de Dieu.
Cela suppose pour bien répondre à l’Appel de Dieu, de convertir au sens de les ajuster (nos représentations de Dieu), et pour cela il n’y a rien de mieux que la parole de Dieu à lire, à comprendre.
Et comme tu le disais tout à l’heure, Dieu n’est pas celui qui va te donner la foudre ou alors le coup de foudre, mais pas la foudre pour te montrer alors « ici danger ! » Ce n’est pas ça, mais la meilleure définition entre la relation de Dieu et nous c’est le Christ qui l’a donné à ses disciples. On la trouve dans l’évangile de Jean 15,15s quand il leur dit : « écoutez je ne vous appelle plus serviteur, les serviteurs ignorent ce que veut faire son maître. Je vous appelle mes amis, parce que tout ce que j’ai reçu de mon père, je vous l’ai fait connaître. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande, et ce que je vous commande c’est de vous aimer les uns les autres, comme je vous ai aimé. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »
La relation d’amitié c’est au fond ce qui nous oblige, car on est un peu réticent à cela. Parfois cela nous arrange bien que Dieu soit loin, que Dieu soit en haut, non, il faut nous convertir à l’amitié de Dieu.
D’ailleurs à la messe dans la prière eucharistique n°2 quand on dit vers la fin de la prière eucharistique « sur tous enfin nous implorons ta bonté, permet qu’avec la Vierge Marie, Saint Joseph avec les apôtres et les Saints de tous les temps, qui ont vécu dans ton amitié ».
(12 :12) : La sainteté c’est la vie dans l’amitié, et la vocation c’est le travail pour comprendre ce que signifie pour moi cette amitié avec le Christ. L’écouter, écouter aussi ce qui monte en moi, les désirs de mon cœur, le désir de bonheur, écouter aussi les cris qui me touchent, les besoins du monde où je suis. Certains vont être sensible à la grande pauvreté, la situation que l’on vit actuellement avec la crise et la pandémie, à mon avis elle est propice à se demander ce que l’on veut faire de sa vie, et d’écouter les besoins. Répondre à une vocation c’est écouter cette portion du monde où je n’ai pas choisi de naître, personne n’a choisi le moment où il nait, personne n’a choisi le milieu, la famille, la culture dans laquelle il est né.
Dans la vie, il y a plein de choses que l’on n’a pas choisies, mais il faut tisser tout ce que l’on appelle le destin avec la promesse qui vient de Dieu, et au milieu de cela : écoute les cris de ce monde, cette portion de monde dans laquelle tu te trouves. Ecoute que la vocation de l’Eglise c’est être au service de la relation de Dieu avec le monde et avec ça tu vas trouver ta voie.
Dominique : Il y a des jeunes qui ont posé la question du service, le service vous tient à cœur. C’est le message de Jésus, mais vous vous en parlez particulièrement, le Pape aussi. Souvent vous le liez à la question de la vocation, est-ce que vous pouvez nous partager comment le SERVICE peut nous aider à discerner ? Pour discerner, on pense qu’il faut faire une retraite, mais en quoi le service, donc sortir de soi, peut nous aider à discerner.
Mgr Aveline (14 :03) : Tu as raison, il y a les deux choses.
Il faut rentrer en soi-même parce que c’est là que l’on cultive, que l’on accueille, que l’on entretien l’amitié, donc il faut le faire. On ne peut pas vivre sa vocation si on n’est pas attentif à cette relation d’amitié avec le Christ. Il faut du temps pour cela, pour rentrer dans soi-même.
L’autre dimension c’est l’écoute, et pas simplement l’écoute comme ça. C’est l’écoute au sens où cela t’interpelle et va changer ta vie aussi, l’écoute des besoins, l’écoute du service que tu peux rendre, en fonction de ce que tu es, de tes capacités, de ce que tu peux faire. Tout le monde ne peut pas faire tout, certains sont plus sensibles au besoin qu’on les gens d’être soignés, et ç’est par là qu’ils vont développer. Certains sont sensibles au besoin de l’éducation, ils perçoivent à quel point c’est important et qu’ils peuvent développer en eux cette capacité à être enseignants, d’autres à être soignants, à travailler au service des pauvres. Il faut écouter et chaque génération a ses défis. La nôtre en a un qui lui tombe dessus, ce n’est pas seulement sanitaire, ça va également être économique, social. Je pense que le service est une clé.
(15 :26) On vient d’entrer dans le mois de Marie, si on posait la question : Marie, comment tu as fait toi pour ta vocation ?
Elle était d’abord toute jeune, elle était semble-t-il pétrie de la foi de son peuple, comme les gens de son époque. Nous, nous croyons tout ce qui la favorisait d’une certaine façon, mais comment a-t-elle compris ?
Elle a eu cet Appel d’un ange, et ça se termine comment l’Appel de l’ange ?
Il voit bien que la pauvre Marie dit : « comment cela se fera t’il ? » Moi je ne sais pas… Alors l’ange astucieusement lui dit à la fin : tu sais il y a ta cousine Elisabeth qui en est déjà son sixième mois. Du coup quel est le réflexe de Marie ? Tout de suite après que l’ange la quitte (maintenant c’est à elle de jouer, elle a toute sa liberté), elle est partie en hâte pour aller rendre service à sa cousine Elisabeth. L’ange a trouvé le petit moyen par lequel elle va comprendre, parce que qui va lui expliquer encore mieux que l’ange ? C’est Elisabeth !
Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi « bienheureuse celle qui a cru », alors Marie invente son magnificat avec toute la tradition de prière juive dont elle est pétrie. Mais tu vois c’est le service, c’est la petite astuce de l’ange pour faire comprendre à Marie que c’est par le service qu’elle comprendra mieux le mystère dans lequel elle se trouve maintenant plongé. Elle dit sa disponibilité : « que tout se passe pour moi selon ta parole, » quand elle a dit sa disponibilité, alors l’ange la quitta, elle est libre et que fait-elle ? Elle va servir.
Je vois beaucoup de jeunes, je l’ai encore vu dans la période que nous traversons, qui choisissent de servir, qui ont ce flair évangélique que c’est en passant par la porte du service des pauvres qu’ils ont le plus de chance de comprendre quel est le sens de leur vie, et à quoi ils sont appelés.
Dominique : Merci. La prochaine question porte sur le double discernement, vous avez justement parlé d’Elisabeth qui confirme la vocation de Marie, ça me fait penser dans le mariage il faut aussi le discernement de l’autre, par exemple les prêtres qui nous accompagnent à se préparer au mariage.
Quand on veut devenir prêtre, il y a un discernement de l’Eglise, cela me fait penser au double discernement, on n’est pas tout seul.
Mgr Aveline (18 :35) : C’est important que ceux qui nous écoutent comprennent que lorsque que l’on se pose la question de la vocation, on peut être assailli de tas de questions, de doute. Il y a des jours où c’est évident et le lendemain c’est le brouillard, et même après il y a des jours où c’est moins facile. Dans tous ces moments-là il faut se dire que l’on n’est pas tout seul. Pour nous, la vocation de chacun n’a de sens que dans la vocation de l’Eglise.
Ma vocation c’est de prendre part à la vocation de l’Eglise, ce n’est pas juste un truc entre le bon dieu et moi. C’est très important que l’Eglise confirme, elle le fait dans la préparation du mariage, dans le mariage c’est l’un et l’autre qui échange des consentements, si tu es tout seul, tu restes là sur le carreau. Pour l’ordination d’un prêtre, pour les vœux d’un(e) religieux(se), ou pour l’entrée dans un Institut de vie consacrée, il y a toujours un Appel qui est authentifié par l’Eglise. Tu peux te dire : moi j’ai déclaré ma disponibilité, je me suis habitué à vivre dans l’amitié avec le Christ, j’ai cherché le chemin de la sainteté, et quel pouvait être pour moi (c’est la sainteté qui est toujours l’objectif).
Je crois que c’est cela, mais l’Eglise peut te dire : non mais là tu te fais des films, ou alors : oui, mais là attends il faudrait que tu vives telle expérience pour t’aider à être sûr que c’est bien cela, etc.
Bien sûr, ça me concerne, bien sûr à la fin personne d’autre que moi dira : oui, ou me voici, mais je ne suis pas tout seul dans ce discernement, et ça c’est très important, comme Marie n’a pas été toute seule.
Dominique : Vous avez parlé de l’après engagement où l’on pourrait avoir des doutes. Il y en aussi avant : Comment savoir ? Parce qu’il peut y avoir des peurs, des obstacles ? Comment savoir si je suis prêt ? Est-ce que c’est fait pour moi ?
Il y a la question du choix, c’est dur de trancher, donc comment savoir ?
Mgr Aveline (21 :16) : On peut se donner des petits conseils :
*Apprend à bien relire ta vie, c’est-à-dire ne te dis pas que c’est une question qui date de trois mois ou de six mois. Mais regarde tout depuis le début.
Relis ta vie avec quelqu’un qui t’accompagne. Tu fais ton travail toi, mais tu l’exprimes, c’est une étape très importante de relire sa vie et de la raconter. C’est en racontant ce que l’on a vécu que l’on comprend mieux le sens de ce que l’on est appelé à vivre.
Le raconter, c’est important, c’est faire un effort de relire, pas de raconter des anecdotes.
Il faut relire sa vie en relisant la parole de Dieu, parce qu’il y a des choses de ta vie que toi tu penseras que ce n’est pas important, mais tel passage de la parole de Dieu te dit : ah ! mais oui, ça je l’avais vécu, mais je n’ai pas fait attention. Tu relis ta vie en relisant la parole de Dieu, ça va t‘aider. Relis les paraboles de Jésus, et tu vas trouver la petite pièce que tu cherches.
Ce que Dieu veut c’est ton bonheur, donc si tu te mets à vouloir quelque chose dont tu sens très bien – parce qu’il y a tellement de choses qui t’assailles – que ce n’est pas ton bonheur, alors ne cherche pas plus loin. Il faut bien le distinguer avec une chose que l’on a choisie, où parfois on peut avoir des moments où ce n’est pas le bonheur, où c’est difficile. Alors là c’est différent, j’ai fait un choix et dans ce choix il y a des cailloux, sur le chemin il y a des épreuves, il y a la croix, ça s’est normal.
Mais au point de départ dans ce que je choisi, dans ce que je peux apporter, ma contribution à la vocation de l’Eglise, il faut bien voir ce qui est capable de me rendre heureux longtemps, donc là où je trouve aussi du bonheur.
Je te disais tout à l’heure par exemple, si j’ai été sensible au besoin d’éducation, je sens que c’est à travers les enfants que beaucoup de choses se construisent, cela fera mon bonheur. Je sais que j’aurais des difficultés, mais ça fera mon bonheur, c’est par là que je vais engager ma vie. Il faut trouver cinq critères :
1-Tu relis ta vie.
2-Tu la racontes.
3-Tu la relis avec la parole de Dieu.
4-Tu cherches ton bonheur parce que tu sais que le Seigneur veut ton bonheur, donc tu n’es pas à contre-emploi.
5-Tu lui demandes à Lui de t’aider.
Après tout si c’est vrai ce que l’on a raconté sur la grâce et la liberté, Lui peut t’aider à dépasser tes doutes, à te donner des petits signes qu’il faudra pour que tu comprennes que ce n’était pas la peine de te faire une montagne pour ça. Que tu comprennes qu’au fond tu es dans ses mains à lui, pas au sens où il te manipule mais au sens où il te tient la main, il t’accompagne et il ne te lâchera pas.
Même s’il y a des pierres sur le chemin, même si ça monte un peu plus par endroit, ça c’est très important, mets ta main dans la sienne, la sienne est tendue vers toi, prends-là.
Dominique : Merci.
Comment avez-vous discerné votre vocation ? Aujourd’hui quand il y a des difficultés, qu’est-ce que vous avez pour traverser ces épreuves ?
Est-ce que pouvez aussi nous partager les joies ?
Mgr Aveline (25 :40) : Des joies il y en a beaucoup, je pense que lorsque l’on a fait un choix – de grands choix dans une vie on n’en pose pas beaucoup, deux ou trois et encore – après ç’est la multitude de petits choix que l’on fait qui doivent les éclairer, les approfondir.
Ce qui me donne de la force c’est l’amitié avec le Christ. Quand je sens que c’est plus difficile, je me dis dans la petite Chapelle que c’est de là que le Christ garde le cap pour la barque, donc n’aie pas peur. C’est cette présence auprès de lui, après tout c’est lui qui t’a appelé, ce n’est pas toi qui as postulé, c’est lui qui t’a appelé avec les pauvretés qu’il sait en toi, avec les faiblesses qu’il sait de toi. Il ne t’a pas appelé à être parfait, il t’a appelé à la sainteté, sur la dureté de ton chemin et aussi avec tout ce que tu as comme défauts, parfois fragilité. C’est le Seigneur qui t’a appelé, ne mesure pas la qualité de ta vocation à la barre que tes pauvres petites jambes pourraient sauter. C’est lui qui saute avec toi, donc n’aie pas peur.
(27 :32) La deuxième chose qui m’aide c’est la communion de Saints. C’est de me dire que dans un carmel, une communauté quelque part ou dans une famille quelque part, il y a des gens qui te portent par leurs prières et que toi aussi tu les portes par la prière.
La Communion des saints ça passe par l’habitude que l’on doit prendre, et ce n’est pas toujours facile, de se réjouir de la vocation des autres.
Je dis souvent cela aux prêtres : tant que tu n’es pas capable de te réjouir de la fécondité du ministère de ton confrère prêtre, tu n’auras pas le bonheur, il faut apprendre ça.
Tout prêtre n’a pas les mêmes aptitudes, mais si tu n’es pas capable de te réjouir de ce que la grâce de Dieu déploie en ton frère et qu’elle ne déploiera pas en toi, parce qu’en toi elle déploiera autre chose, ne cherche pas à faire comme l’autre. Laisse vraiment la grâce aller chercher ta liberté au plus profond, pour que tu donnes toi ce que tu fais.
On a célébré les obsèques d’un prêtre la semaine dernière, qui s’appelait Maurice Raynaud (il est mort à plus de 90 ans), lui sa vie ministérielle a été de créer – entre autre chose – une association pour les jeunes des quartiers les plus pauvres de Marseille (pour le sport, l’éducation dans toutes ses dimensions…). Il a déployé cela, et n’aurait certainement pas pu être curé d’une paroisse.
Pour moi, la communion des saints est importante, grandiose en incluant les vivants et les morts. Tu ne sais pas quel est au ciel l’âme qui, depuis longtemps, veille sur toi, et quand nous serons réunis nous serons tout étonné, de voir que pour les uns et les autres et de façon parfois surprenante, nous avons contribué par notre prière, notre offrande, par ce que l’on fait de notre vie à permettre à l’autre d’épanouir au mieux l’Appel de Dieu en lui, c’est-à-dire sa vocation, et son bonheur.