Comment réagir face au mal ?
Au cœur de ces différents romans et récits, vous trouverez des exemples de figures féminines qui peuvent nous aider en ces temps troublés…
L’expérience de Dieu dans la tourmente, face au mal
- Claire Ly, Revenue de l’enfer, Atelier 2002
- Etty Hillesum, Une vie bouleversée, Points 1985
- Etty Hillesum, Lettres de Westerbork, Points 1985
- Ingmar Granstedt, Portrait d’Etty Hillesum, DDB 2001
- Sylvie Germain, Etty Hillesum, Pygmalion 1999
Alors que les évènements actuels nous interpellent sur cette douloureuse réalité du mal que certains humains infligent à leurs semblables, l’expérience de ces deux femmes qui ont traversé l’épreuve peut nous aider.
L’autobiographie de Claire Ly (bouddhiste convertie au christianisme) nous confronte à l’horreur du génocide Khmer Rouge en même temps qu’à la force d’une expérience spirituelle faite dans ces camps de rééducation.
L’ouvrage de Sylvie Germain tente de faire entrer dans l’itinéraire spirituel d’Etty Hillesum à partir d’une approche très littéraire donnant une large place aux auteurs qu’elle lit. Tandis qu’Ingmar Granstedt met surtout l’accent sur sa relation à Julius Spier comme source essentielle de son évolution. Dans deux contextes totalement différents – le Cambodge des années 1970 et la Hollande sous l’emprise nazie pendant la seconde guerre mondiale – nous percevons un rapprochement possible entre ces parcours. Dans la tourmente, ces deux femmes intellectuelles voient leur monde basculer et expérimentent un lent retournement qui les ouvre à la relation avec Dieu en des moments historiques denses et graves. Au cœur du mal, elles expérimentent la puissance de la vie, la paix intérieure et tentent de nommer leur chemin intérieur.
Certes, les styles littéraires sont différents – journal pour Etty Hillesum, récit reconstitué pour Claire Ly – mais ils révèlent un langage authentique à même de rendre compte de la profondeur d’une expérience de Dieu inattendue, possible au milieu même du déchaînement du mal.
La littérature, un lieu théologique ?
Voici des exemples de romans contemporains en prise avec la question du mal et de la souffrance.
- Sylvie Germain, L’Enfant-Méduse, Folio 1993
- Sylvie Germain, Chanson des mal-aimants, Gallimard 2002
- Isabelle Jarry, L’archange perdu,Folio 1996
- Isabelle Jarry, J’ai nom sans bruit, Stock 2004
Ces quatre romans mettent en scène des personnages en prise avec la question de la souffrance. Ils choisiront finalement de répondre à cette énigme du mal subi par l’amour.
Dans l’enfant-méduse Lucie, enfant martyr enfermée dans sa révolte traverse finalement le vide pour entrer dans le pardon.
Dans Chanson des mal-aimants, Laudes-Marie, enfant abandonné frappée de malheurs successifs, continue pourtant à avancer avec fraîcheur et innocence.
Dans L’archange perdu nous suivons Lucile, assistante d’un journaliste parti enquêter sur la vie monastique. Blessée par l’entrée de son frère si aimé dans les ordres, elle se laisse bousculer intérieurement par les moines interviewés et s’humanise en entrant petit à petit dans un vrai dialogue avec son patron.
Avec une écriture poétique et subtile, ces deux romancières contemporaines décrivent des itinéraires en forme de traversées pascales. Leurs héroïnes, touchantes d’humanité, se laissent transformer par les épreuves et les rencontres et passent de l’obscur de la révolte à la lumière de la paix dans l’acquiescement à soi, aux autres et au monde. Par la puissance de la fiction, nous découvrons comment un récit peut être trace implicite du travail de l’Esprit.
Le roman devient ici un véritable lieu théologique de par les questions posées et les réponses esquissées à travers des personnages contrastés reflétant différents positionnements possibles face à la vie, à la mort, à la question de Dieu. Pétries d’interrogations spirituelles et de questionnement métaphysique, témoignant d’une certaine connaissance des écritures et du paysage chrétien, ces œuvres authentiquement littéraires (elles ont d’ailleurs été primées) délivrent un message que l’on peut se risquer à qualifier « d’évangélique ».
Comprendre et agir : femmes engagées dans les combats du siècle
- Frédérique Neau-Dufour, Geneviève de Gaulle Anthonioz, Cerf 2004
- Jean Lacouture, Germaine Tillion: le témoignage est un combat, Seuil 2000
- Julia Kristeva, Le génie féminin Hannah Arendt, Folio 2003
Ces biographies nous rapportent le destin exceptionnel de trois femmes dont l’histoire personnelle est inextricablement mêlée à l’histoire générale du XXè siècle. Toutes trois ont en effet connu la tragédie de la deuxième guerre mondiale. Elles ont réagi avec lucidité et engagement, préparées par leur trajectoire antérieure. Germaine Tillion, anthropologue disciple de Mauss immergée plusieurs années dans les Aurès algérien, est entrée rapidement en résistance tout comme Geneviève de Gaulle, alors jeune nièce du général, avec qui elle se retrouve déportée à Ravensbrück. Hannah Arendt, philosophe d’origine juive fuit l’Allemagne pour la France avant de s’exiler aux Etats-Unis. Confrontées à l’horreur, miraculeusement rescapées, elles n’auront de cesse sous des formes diverses de s’engager pour comprendre et faire comprendre le monde, le préserver et surtout le rendre capable de donner à chacun une place, une reconnaissance. C’est ainsi qu’elles ont été conduites à penser et agir dans la sphère politique: Hannah Arendt, par ses ouvrages et conférences présentant une vision neuve du politique, Germaine Tillion par ses travaux sur les camps et son rôle de dialogue dans la crise algérienne, Geneviève Anthonioz de Gaulle par son engagement sans faille à ATD Quart Monde au côté du père Wrésinsky et son combat politique pour faire aboutir la loi contre l’exclusion. Ainsi, elles m’ont marquée par leur capacité à déployer une singularité ouverte à l’universelle, attentive aux besoins du monde, enracinée dans des convictions fortes et une vision de l’homme et forgée au fer des évènements.