« Le sport libère l’intériorité » : témoignage spirituel d’un prêtre et sportif de haut niveau

Le père René Pichon, sportif de haut niveau, a récemment publié « L’âme du sport et le sport de l’âme ». Il revient pour nous sur l’expérience sportive comme expérience spirituelle.

rené pichonJe me suis intéressé au lien entre le sport et la foi depuis tout jeune. J’ai commencé la course à pied à l’âge de 12 ans et depuis cet âge suis licencié de mon club d’athlétisme, le cinquième de France. Très vite, à l’âge de 18-20 ans, je faisais 40km d’entraînement par jour. J’ai aujourd’hui 70 ans et ce matin, j’ai encore fait mes 10km ! J’ai été une dizaine de fois champion en Rhônes-Alpes, surtout en 5000m. Je me suis souvent interrogé : qu’est-ce que cela m’apporte, à quoi ça sert ? Et inversement, dans le milieu du sport, beaucoup m’interrogeait sur le fait d’être prêtre, etc.

L’esprit de compétition est-il conciliable avec le message de l’Evangile ?

Quand je suis entré au séminaire, j’ai eu la chance de pouvoir continuer à pratiquer le sport. Certains pouvaient considérer que la vie au séminaire et le sport n’était pas conciliable : comment allier l’esprit de compétition au message d’Evangile, etc. ? Cela m’a fait beaucoup réfléchir et m’a amené d’ailleurs à publier plusieurs livres : « Le sport et la foi, la pastorale des champions » (éd. Cerf, 1981), « La course de ma vie, Souvenirs d’un prêtre sportif » (éd. Cerf, 1992), « L’âme du sport et le sport de l’âme » (éd. La Bruyère, 2015).

L’adversaire n’est pas ennemi

J’en suis arrivé à faire la distinction entre l’adversaire et l’ennemi. Si l’on cherche à battre les autres pour gagner, c’est surtout soi-même contre lequel on se bat, pour se dépasser soi-même. L’adversaire est là pour se faire progresser soi-même. Cela suppose un certain état d’esprit de respect de l’adversaire : nous sommes alors dans la perspective que le meilleur gagne, pas forcément soi-même. L’autre sur un terrain est adversaire ou partenaire mais jamais « l’ennemi ».

Selon vous, comment le sport peut-il être une porte d’entrée en pastorale ?

De plus en plus les jeunes aiment le sport. Quand on pratique le sport, on rencontre les autres, c’est un moyen d’échanges, de rencontres, on est tous au même niveau. La pastorale, ça commence par des liens qui se créent, autour d’un match, d’une course … Une fois que le lien est créé, il y a alors des questions qui arrivent. Personnellement, à travers le sport, j’ai eu beaucoup de contacts qui m’ont donné l’occasion de discuter et de témoigner de ma foi.

Depuis 25 ans, j’ai fait aménager une maison pour faire de l’accueil de jeunes en sports études. Y viennent des jeunes de tout horizon, avec qui nous pouvons alors parler de la foi dans les échanges informels.

« Le sport libère l’intériorité. »

Je trouve que c’est ce qui manque dans l’Eglise : des lieux qui allient sport et spiritualité. Au niveau pastoral, on devrait développer cela. Il y a toute une jeunesse qui s’y retrouve. On le voit par exemple par le succès du « Festival in paradise » du Chemin Neuf à Hautecombe depuis 2 ou 3 ans. Ils proposent une trentaine d’activités sportives en lien avec des associations locales.

Il faudrait qu’il y ait toujours une dimension sportive en même temps que spirituelle. Le sport libère l’intériorité. Dès qu’on fait un effort physique, rien que la marche par exemple, l’échange est favorisé, on discute, l’effort libère l’âme. Le sport c’est le souffle. En travaillant sur son souffle, on développe la spiritualité, on prend conscience de soi, on s’ouvre à ce qu’on est en profondeur.

Comment l’expérience sportive peut aussi être une expérience spirituelle ?

rené pichon - 33èmes foulées de DrumettazL’expérience sportive nous invite à puiser au-delà de soi, au-delà de ses limites. On découvre alors qu’il y a plus grand que soi-même, on ressent une plénitude. C’est une autre manière de dire Dieu.

Ceux qui puisent au fond d’eux-mêmes comme ceux qui se dépassent au-delà d’eux-mêmes rencontrent l’infini, la vraie vie. Les sportifs recherchent la sensation, c’est-à-dire un bien-être au-delà d’eux-mêmes. Pour moi, c’est pour cela qu’aujourd’hui le sport a autant de succès. Les gens cherchent autre chose que la vie banale. Par les sensations, on voit qu’il y a un au-delà de l’homme. Il s’agit quelque part d’entrer dans la dimension spirituelle de leur être. Est-ce quelqu’un, quelque chose ? C’est tout le débat qu’on peut avoir avec les sportifs.

L’âme du sport et le sport de l’âme

Il y a l’âme du sport : les valeurs qu’il promeut, le dépassement de soi, le fair-play, la communion… Et le sport de l’âme : développer la vie spirituelle comme on développe le corps. Le sport, c’est l’entraînement pendant des mois, des années pour progresser. Pour la vie spirituelle, c’est pareil, il faut faire des exercices. La vie spirituelle est un entraînement ! Pour vivre la joie, la paix, la patience, il faut faire des efforts, recommencer, toujours et encore…

Sans entraînement on ne progresse pas. Si on veut progresser dans la vie, il faut répéter les efforts, les exercices. Et si on ne développe pas la vie spirituelle aujourd’hui dans notre société on va renier une dimension essentielle de l’homme.

Le champion, un modèle ?

Dans le football aujourd’hui il y a une exagération ! On survalorise des athlètes qui ont certainement des dons mais on en fait des dieux ! Il y a quelque chose qui va dans le sens contraire de ce qui devrait être le sport. Un champion c’est celui qui donne envie d’être comme lui, c’est un modèle. Or aujourd’hui on veut des vedettes, des super stars, on crée des idoles.

Pouvons-nous dire que le sport est devenu une religion ?

Le sport est devenu une religion car on n’en a pas d’autres. On a tous besoin de sentir en soi un sentiment qui nous élève. Au lieu de le chercher en soi, on le projette sur certaines personnes qu’on idéalise. J’ai envie de dire aux jeunes : applaudis les champions non pas pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils t’invitent à être.

Les sportifs, cela devrait être des incitateurs des valeurs du sport : volonté, courage, confiance en soi.

C’est comme pour les prêtres, nous ne devons pas en faire des ‘mini-dieux’, les idéaliser, ils sont là avant tout pour aider les gens à vivre leur foi.

La grand messe du sport devrait inciter chacun à faire plus de sport. Car le sport élève, il a une dimension spirituelle en lui-même.

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