Sport et initiatives pastorales : Pas de sport sans gratuité du don !

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Le père Gérard le Stang est secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques de France et particulièrement en charge des questions autour de la pastorale du sport. Il est également marathonien.

Comment expliquer ces dernières années le développement d’initiatives diocésaines autour du sport ?

Le sport s’est développé de manière naturelle en pastorale auprès des jeunes (voir ici quelques exemples d’initiatives). L’Eglise a le souci de proposer des pédagogies adaptées aux âges, qui soutiennent le développement des jeunes en les aidant à vivre ce qui est important pour eux : l’effort collectif, le don de soi… les jeunes aiment le sport et l’activité physique et en ont un vrai besoin : comment ne pas les y rejoindre, d’autant que la connivence avec l’expérience de foi y est spontanée ?

Le sport est en effet un lieu de gratuité qui permet de développer certaines valeurs : l’effort, la solidarité, le collectif, la joie de se donner, le dépassement de soi – pas contre les autres mais avec les autres, même dans une compétition acharnée. Il peut y avoir des risques d’addiction, d’idolâtrie de soi, mais de manière générale, le sport aide à édifier les jeunes dans leur capacité à se donner, à faire équipe. Souvent, les jeunes sportifs développent une vraie santé morale, faite tout à la fois de droiture et générosité, d’ambition saine et d’humilité. Le sport est une voie d’accomplissement par le don et l’effort, le plaisir du jeu et le bonheur de se donner à fond.

Cette dimension physique et communautaire a beaucoup de prix aujourd’hui car le développement des nouveaux médias, du numérique peut conduire à une dissociation entre l’esprit et le corps. Le risque est que le jeune se détache de sa réalité physique et relationnelle, du lien à son corps et aux autres. L’activité physique ramène les jeunes à la réalité de leur corps, de leur « incarnation ». Elle développe et libère une énergie bien présente en eux,  en la canalisant, de manière constructive et non agressive.

La foi chrétienne, qui a une vision unifiée de la personne, s’y retrouve bien. L’Eglise n’est pas une instance de formation uniquement intellectuelle ou religieuse pour les jeunes. Elle les rejoint et les invite à répondre au Christ par toutes les dimensions de leur vie, y compris par l’action physique, par l’engagement de tout l’être. L’évangélisation est un acte intégral qui sollicite à la fois l’intelligence, le cœur et le corps. Toute la vie de la personne est touchée par le Christ. Dès lors, le corps est engagé dans l’expérience croyante, à travers ses forces et aussi ses fragilités.  Il ne s’agit pas de développer un culte du surhomme, mais de déployer tous ses talents tout en assumant ses limites.

L’Eglise a-t-elle une parole à donner pendant l’Euro ?

stade saint denis euro 2016L’Eglise a une tradition de connivence avec le foot. Les prêtres et éducateurs chrétiens ont souvent favorisé le football dans les paroisses, les patronages. En Italie, cela a été massif, mais aussi en France, aux origines des clubs de foot. Parfois cela se redécouvre aujourd’hui, à travers les expériences de KT-foot, de nouveaux patronages… (voir ce témoignage). Pour avoir été 15 ans responsable de séminaire, je peux dire que la tradition des séminaristes et jeunes prêtres footeux est loin d’être perdus. Pour des prêtres venant d’autres pays, d’Afrique notamment, c’est un beau moyen pour rejoindre ces jeunes qu’ils s’étonnent de ne pas voir dans les églises chez nous.

Bien sûr, l’Eglise met l’accent, en raison de ses valeurs évangéliques, sur les règles de fair-play, de respect de l’adversaire, de respect des règles, de refus de la violence… Elle s’adresse aux joueurs pour les inviter à vivre le sport comme un acte de don de soi, de gratuité, dans le respect de tous, y compris du supporter, qui est associé au jeu pour porter et stimuler les joueurs. Le supporter est invité à faire preuve de maîtrise de lui et de respect.

Mais l’Eglise aime surtout cet esprit commun qui est le propre des clubs de foot, jusque dans les plus petits villages, en France mais aussi partout dans le monde, notamment en Afrique ou ailleurs. C’est un lieu éducatif fort pour des jeunes. Je me souviens d’un jeune prêtre de Saint-Brieuc soulignant combien le fait d’avoir joué au foot depuis sa petite enfance, avec ses amis, son père dirigeant, et toute l’ambiance qui y est associée, avait compté dans son désir de se donner pour les autres en devenant prêtre.

L’Eglise, cela va de soi, s’adresse à tous ceux qui font du foot un business, pour leur dire de laisser toute la place au jeu, pour que le sport soit l’occasion de participer au développement des pays, et que l’argent ne vienne alourdir les jambes et les têtes des joueurs. Elle invite à rester attentif à ceux qui ne peuvent pas faire de sport mais qui se passionne pour lui: les prisonniers, les migrants en camps de rétention, les handicapés… Quand on fait du sport, notamment à haut niveau, on le fait aussi pour ceux qui ne peuvent le faire. C’est un peu comme notre prière : elle porte ceux qui ne peuvent pas ou plus prier !

Faut-il rappeler enfin que derrière l’Euro, il y a aussi un message pour l’Europe. Le nombre des participants à l’Euro s’élargit toujours plus aux nations européennes. Quel symbole pour les institutions, les politiques, et toutes les instances européennes : Voilà ce que nous avons à vivre ! Une vraie émulation, chacun avec son style, les petits pays- comme l’Islande – pouvant épater tous les autres, au sein d’une vraie culture commune qui témoigne pour le monde d’un esprit de paix et d’entente.

Le foot n’est pas une religion. Mais il peut aider à vivre sa foi, et nombre de joueurs sont profondément croyants. Et inversement, la foi peut concourir à vivre à fond ce qu’est le sport en lui-même. Il y a un universalisme plus large que celui du sport, celui de la communauté des hommes – sportifs ou pas ! –  réunis par l’amour de Dieu. Cela donne au foot sa place, rien que sa place mais aussi toute sa place, celle d’une parabole du vivre ensemble dans le jeu et la gratuité du don, qui réjouit tout le monde, joueur ou spectateur.

Quelle place le corps a-t-il dans votre vie ?

gerard-le-stangjavascript:void(0)J’ai commencé à faire du sport avec sérieux quand je suis devenu prêtre. Je me suis rendu compte que mon équilibre passait certes par la vie de prière, les relations, mais qu’il fallait aussi y ajouter une dimension physique, pour décompresser, s’aérer, en un mot, pour être soi. J’ai commencé à courir de manière soutenue. Et j’ai découvert une harmonie entre la vie spirituelle et la course.

L’activité physique favorise l’esprit de louange et de supplication: le goût d’aller jusqu’au bout, l’effort, le don de soi, la souffrance… L’effort est aussi une forme de concentration mentale et physique, notamment celle de la respiration, qui rejoint des formes de méditation en cours aujourd’hui. Pour moi, cela me recentre sur le nom et la personne de Jésus et le souffle de son Esprit, comme unique essentiel de ma vie.  Quand je peux vivre cela régulièrement, ma vie spirituelle et ma disponibilité pastorale s’en trouvent enrichies.

Les courses à pied sont aussi – comme le foot, mais différemment – des paraboles de ce qu’est la vie : il y a des combats, des moments de choix… On se rend compte que la vie n’est pas que cérébrale mais qu’elle s’inscrit dans la durée, par l’ascèse de l’entraînement. La course favorise l’équilibre entre l’âme et le corps. Elle a un côté purifiant, qui en m’éloignant de la pastorale, m’y ramène plus heureux et moins tendu. Et en tant que prêtre, le sport aide à garder les pieds sur terre, pour ne pas vivre un ministère désincarné. La foi passe par les pieds !

Une autre « vérité » tient en ceci : la course à pied, comme la foi, a quelque chose d’unique et de personnel : personne ne peut la vivre à votre place. En même temps, elle se vit d’autant mieux qu’elle se pratique en équipe ou aussi avec un public heureux de vous soutenir. Seul, avec d’autres et pour d’autres, elle offre bien des analogies avec la suite du Christ en Eglise (avec une couleur très forte quand cela est vécu au sein du choix du célibat).

Le Christ était « l’homme qui marche » écrivait le poète Christian Bobin. Etait-il aussi un « homme qui court » ? Je l’ignore. Je sais que la course, comme le foot, ou la marche tout simplement peuvent contribuer à mettre notre vie au diapason de Celui qui nous a créée corps et âme et veut nous sauver tout entier.

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