Adolescence et engagement : (1)

Dans la postmodernité, se pose la question des héritages : Que commémorons-nous ? Ce que nous voulons reproduire (la modernité) ou ce que nous voulons éviter (la postmodernité) ? Un exemple pour illustrer cela : La fête de l’anniversaire avait été bannie par l’Eglise car elle était vue comme un péché d’orgueil ! Elle a été réintroduite par les protestants aux débuts du 20 ème siècle ! Le temps de l’adolescence consonne avec cela : c’est le temps de l’étrangeté, de la fluidité, de l’éphémère…

La modernité pourrait se décrire ainsi : Je reçois un héritage et je le transmets à mon tour.

La postmodernité se décrirait plutôt par la réfutation des héritages.

C’est le propre de l’adolescence que de réfuter les héritages. Notre société est très adolescentrique. Elle réfute les héritages et peine à trouver des modèles. Passer de la réfutation des héritages à la vie adulte, qu’est-ce que cela veut dire ? La notion même d’héritage est équivoque. La vie adulte est parcourue de moments de crises, de dépressions, de difficultés… Aller vers la postmodernité, c’est aller vers la transformation de l’héritage et non sa reconduction à l’identique. Il s’agit alors d’assumer nos héritages et, petit à petit, de les transformer.

En ce qui concerne l’engagement des jeunes, nous voyons encore des jeunes qui s’engagent dans le mariage, l’armée… Mais également, nous constatons que 35 à 50 % sont célibataires, que beaucoup vivent dans des familles recomposées. Les sondages ne rendent pas bien compte de la réalité. Nous notons de nouveaux modes de vies, et ce qui domine, c’est la volonté de maintenir ouvertes des possibilités : nombre de personnes ne s’engagent pas mais restent ouvertes à toutes les formes d’engagements. On retrouve ce mode de fonctionnement dans la recherche d’équivalences, dans les reconversions, comme la Validation des Acquis de l’Expérience (cf. la loi des VAE). Les références modernes sont toujours là, mais d’autres logiques postmodernes prennent place : La logique des diplômes caractérise la modernité ; la logique des VAE révèle la postmodernité et crée de nouvelles références sociales.

Dans son livre « La fatigue d’être soi », Alain EHRENBERG parle de la dépression. Il dit qu’évoluer en postmodernité avec les références de la modernité rend dépressif. Il nous faut changer nos cadres de références pour évoluer dans ce monde qui est le nôtre et qui bouge !

Quelques remarques sur l’engagement :

Avec cette époque actuelle, postmoderne, n’y a-t-il pas émergence d’autres alternatives à l’engagement ? Ainsi, par exemple, la chanson rebelle (ex. le rap) a pris le pas sur la chanson engagée. On assiste sur le net à des flashs-mob, c’est-à-dire des mobilisations instantanées pour telle ou telle cause. C’est ponctuel, pour une durée déterminée. Des formes d’action se vivent ainsi, comme envahir pendant deux heures un grand magasin : L’objectif étant de se regrouper instantanément en mobilisant des personnes pour paralyser un système… C’est un engagement dans l’instant, dans l’éphémère… Alors que dans le même temps nos fonctionnements ecclésiaux demeurent d’une autre époque, celle de la modernité, avec ses rassemblements dominicaux hebdomadaires et réguliers…

Ces nouvelles façons d’agir postmodernes sont souvent jugées négativement. Qu’en est-il de la durée qu’implique la notion d’engagement ? Or, il n’y a pas que du négatif dans ces nouveaux « agir » ! Les JMJ sont-elles un « flash mob » ? Sont-elles une proposition ecclésiale postmoderne, posthumaniste ? Il y a quelque chose de nouveau, d’insaisissable, un nouveau rapport au temps…

D’autres domaines sont également interrogés, comme par exemple la notion de progrès. Le progrès fonctionnait comme une promesse : L’avenir devait être porteur d’amélioration ! Or nous sommes en panne du côté de l’ascenseur social : Aujourd’hui nos enfants font plus d’études que nous, sans pour autant accéder à une meilleure place dans la société. De même, la question des déchets pose la question de quel avenir pour notre planète… S’engager c’est hypothéquer l’avenir. Et si aujourd’hui nous nous engageons moins, c’est que nous n’avons pas d’avenir, ou du moins, que nous ne le percevons pas clairement.