Satan ? Pourquoi en reparler ?

I – Introduction

0ctobre 2005. Sortie de cours d’un lycée (privé catholique).

« Je peux vous poser une question ? Croyez-vous au diable ? »

Première question d’un jeune (classe de première) à l’aumônier nouvellement nommé dans ce lycée. Première rencontre, premier débat qui porte sur celui qu’on avait justement tenté d’oublier dans toute catéchèse.

Que peut cacher une telle question ? Peut-être une simple provocation ! On ne va tout de même pas parler de Dieu avec l’aumônier sur la cour alors, pourquoi pas le diable ? Cependant, en cours d’année, d’autres interventions individuelles ou collectives portèrent sur la même réalité (ou supposée telle !) : l’occultisme, les sectes sataniques (assez présentes dans la région toulonnaise), l’exorciste (le film), le mal, la musique heavy metal, les gothiques….Après une bonne campagne de publicité cinématographique, Internet (surtout) et parfois musicale, le diable faisait donc son retour ; il fallait en parler !

Mais pour en dire quoi et comment ? Certes, les psys (Satan n’est-il pas une méchante caricature de l’adolescent dans son opposition rebelle au père !), les sociologues (dans l’analyse du grand retour du manichéisme) et les réalisateurs (Satan rapporte gros lorsqu’il fait son show dans les salles obscures !) n’avaient pas vraiment cessé de le « maintenir en vie » mais pour en souligner l’illusion, fidèles en cela au grand Parménide pour lequel le mal ne serait qu’une apparence. Quelques théologiens ont bien essayé un acharnement thérapeutique, mais si Dieu n’est pas aussi mort que Nietzsche ou Marx, Satan était en très mauvaise condition de survie. Pourtant des jeunes, dans de nombreux collèges et lycées, posent encore la question, qui ouvre cet article, à leur aumônier. Certains sont d’excellents théologiens, d’autres professeurs, psy, sociologues ou simplement parents ; en tant que prêtre ayant fait un peu de philo, j’ai simplement essayé de regarder ce monde, que l’on dit « ultra ou hyper moderne », afin de tenter l’amorce d’un débat en ayant à l’esprit quelques arguments qui ne soient pas trop figés dans une catéchèse tridentine.

II – Qui est Satan ?

La question sur le diable n’est pas nouvelle. Une simple étude sur l’ensemble des religions montre la place importante qu’y occupent le diable et ses démons. Ce qui est nouveau, c’est que cette question se pose dans un monde rationaliste et matérialiste hérité de la Philosophie des Lumières dans lequel la modernité rejette a priori cette fantasmagorie si contraire à l’esprit scientifique. Essayons de redéfinir qui est Satan et ce qu’il propose au monde d’aujourd’hui.

« Nous n’avons certainement pas plaisir à vous entretenir du diable, déclarait saint Jean Chrysostome aux chrétiens d’Antioche, mais la doctrine dont il me fournit l’occasion vous est de la plus grande utilité. » Et le Pape Paul VI soulevait une question en 1972 : « Quels sont aujourd’hui les besoins les plus importants de l’Eglise ? (Peut-être du monde aujourd’hui)

Ne soyez pas étonnés par notre réponse que vous pourriez trouver simpliste, voire même superstitieuse ou irréelle : l’un de ses plus grands besoins est de se défendre contre ce mal que nous appelons le démon. »

Paul VI ouvrait ainsi la voie à toute une série d’interventions de l’Eglise sur le problème de la démonologie. Qu’il suffise ici de citer le document publié par la Congrégation pour la Doctrine de la foi le 26 juin 1975 sur « Foi chrétienne et démonologie » ou bien les nombreuses catéchèses du mercredi de Jean Paul II sur le sujet.

« …Les paroles impressionnantes de l’apôtre Jean : « Le monde entier gît au pouvoir du mauvais » (1 Jn 5,19), font aussi allusion à la présence de Satan dans l’histoire de l’humanité, une présence qui s’accentue à mesure que l’homme et la société s’éloignent de Dieu. L’influence de l’esprit malin peut se cacher d’une manière plus profonde et efficace : se faire ignorer correspond à son intérêt. L’habileté de Satan dans le monde est celle de porter les hommes à nier son existence au nom du rationalisme et de tout autre système de pensée qui cherche toutes les échappatoires dans le but de nier son action. Cela ne signifie pas cependant l’élimination de la volonté libre et de la responsabilité de l’homme ni la frustration de l’action salvifique du Christ. Il s’agit plutôt d’un conflit entre les forces obscures du mal et celles de la rédemption… ».

La préoccupation est telle que depuis l’an dernier des cours sur le satanisme et les méfaits de la magie noire sont donnés dans une université Pontificale à Rome. (article qui suit en encadré)

« Le Diable est à la mode… Soucieuse de contrer l’inquiétante popularité de Lucifer, l’université pontificale Regina Apostolorum de Rome propose depuis cette semaine des cours sur le satanisme, la magie noire et l’exorcisme destiné aux prêtres et aux séminaristes.

Lors du premier cours, jeudi, un exorciste romain a expliqué comment distinguer une personne possédée par le démon, de celle qui souffre de problèmes psychologiques. « Sinon, je serais inondé de demandes de personnes qui n’ont pas besoin de moi », a expliqué le père Francesco Bamonte, qui pratique une vingtaine d’exorcismes chaque année, et travaille avec une équipe de prêtres et psychologues.

Parmi les signes de possession généralement admis, figurent la capacité de s’exprimer dans des langues inconnues ou la manifestation d’une force physique exceptionnelle.

En 1999, le Vatican a révisé pour la première fois depuis 1614 le rite de l’exorcisme. Les recommandations d’abord publiées en latin dans un livre relié de cuir rouge exhortaient notamment les prêtres à tenir compte des problèmes psychiatriques. Elles reflétaient les efforts de Jean Paul II visant à persuader les sceptiques que le Malin était toujours à l’œuvre dans le monde. Le pape avait prononcé à l’époque une série de sermons dénonçant le diable « menteur cosmique et assassin ».

Le Vatican s’inquiète de la montée des pratiques sataniques chez les jeunes, particulièrement en Italie. En janvier, huit personnes soupçonnées d’appartenir à une secte satanique ont été inculpées pour leur rôle présumé dans trois meurtres rituels, dont celui d’une jeune fille de 19 ans, tuée en 1998, apparemment parce qu’elle était considérée comme une incarnation de la Vierge Marie.

Les suspects appartenaient à un groupe de rock heavy metal baptisé « les Bêtes de Satan ».

Le Saint-Siège est également préoccupé par le nombre croissant de jeunes qui développent des formes personnelles de satanisme en dehors des sectes étroitement surveillées par la police, souvent grâce à Internet. « C’est un phénomène plus spontané et caché, un problème de solitude et d’isolement », explique l’un des enseignants Carlo Climati, spécialiste de la culture jeune et du satanisme. Ce sont des parents inquiets, dit-il, qui ont réclamé un cours spécial pour les prêtres. »

III – Le satanisme

* – Hier

Retour en force donc de celui (le démon) qui ne fréquentait, jusqu’à une époque relativement récente, que quelques salons dans lesquels des cercles de personnes (pas bien pensantes du tout !) se donnaient à l’ésotérisme et aux sciences occultes. Le satanisme a toujours existé, et le culte voué à son Maître n’est pas qu’une des caractéristiques de la modernité mais les célébrations dont il était l’objet étaient plus secrètes. La montée en puissance et la mise en lumière du Prince des Ténèbres est due à l’Anglais Brite Aleister Crowley (1875-1947) auquel on attribue la paternité moderne du satanisme. Son enseignement est simple et caractéristique de la modernité satanique :

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un rejet de la religion et en particulier du christianisme

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le culte du Moi (la célébration de son propre anniversaire est une des fêtes importantes du culte satanique)

 la pratique de la magie noire en vue de satisfaire ses besoins. Faites donc ce dont vous avez envie, suivez vos instincts, soyez libres d’engager des activités sexuelles selon vos besoins, quelle que soit votre orientation sexuelle…Voilà une partie de l’enseignement.

Crowley se nommait lui-même « La grande Bête 666 ». Il se considérait comme l’incarnation de Satan.

* – XX ° siècle

Il faudra attendre 1966 (an 1 de l’ère satanique) pour que le satanisme connaisse son premier grand prêtre Anton Szandor LaVey qui venait de créer l’Eglise de Satan. Il publiera « Les rituels sataniques » et « Le cahier du démon » en 1972. En 1980, le satanisme revient sur le devant de la scène avec la publication du livre « Michele remember » mémoires de rituels sataniques infligés par les parents à cette jeune fille.

Les médias se sont, bien entendu, emparés de ce cas ; toute une série d’analyses, d’études, de publications, d’émissions (genre reality ou talk shows à l’Américaine) vont tenir le devant de la scène et ne vont plus s’interrompre.

Le satanisme est en haut de l’affiche et ne va plus la quitter. A côté de l’Eglise de Satan apparaissent de véritables trusts infernaux (le Temple de Seth, l’alliance Kripten, les Croisés de la Nouvelle Babylone, la Golden Dawn, …). Il suffit de surfer quelques instants sur le Net ou de se promener dans les rayons de la FNAC ou de Virgin consacrés aux sciences occultes (plus nombreux que ceux qui le sont aux différents monothéismes) pour constater l’ampleur du phénomène. A quoi peut être dû cet engouement pour le Tentateur ?

* – XXI eme siècle

En entrant dans le XXI eme siècle nous avons pris conscience et tenté d’analyser une période que l’on qualifie de crise globale. Crise de la transmission, crise de la stabilité, crise des normes, crise de la raison, nous sommes bien entrés dans une « société du risque » tel que l’affirme le sociologue Beck (2001) pour qualifier le monde moderne. Les Lumières qui étaient porteuses de grands idéaux (ceux de notre République) ont failli à leurs promesses et se sont contentées, en déclarant le primat de la Raison, de rayer et d’envoyer aux oubliettes la relation à Dieu dans l’ordre de la Transcendance. Les grands idéaux et le Progrès tant attendus sont détruits, les valeurs morales et religieuses ne sont peut-être pas totalement oubliées mais, pour reprendre une expression de Gilles Lipovetsky : « On s’en fout ! »

L’analyse de la crise permet de dire que l’on est aujourd’hui à la recherche de quelques repères (nouveaux ? anciens ? On est toujours en train de faire le tri..), la quête de sens se fait urgente, on aspire enfin à une nouvelle religiosité.

Cette « nouvelle religiosité » fait cependant appel à ce qu’il y a de plus ancien ; on redécouvre ainsi le paganisme, le druidisme, les célébrations celtiques (que vont vite intégrer les sectes sataniques dans leur culte de la nature), la magie, le spiritisme et les messes noires. Une « pseudo religion » se crée. Véritable phénomène de mode qui finira par intéresser de nombreux jeunes attirés par les transgressions systématiques qu’elles offrent (il n’y a plus de tabous moraux, sexuels ou religieux).

IV – et pour l’adolescent

On peut rappeler ici quelques principes basiques de la psychologie de l’adolescent : sa fragilité dans la position instable qu’il occupe à la croisée de deux mondes ; celui de l’enfance qu’il est appelé à quitter et auquel il ne s’identifie plus totalement et celui de l’adulte vers lequel il est en tension et qui n’est donc pas encore le sien. Son développement se situe donc autour de deux directions :

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le détachement vers lequel il tend afin d’acquérir son individualité et de constituer un sujet qu’il veut autonome.

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la perte de la relation parentale qui implique le souci d’une forme d’insécurité.

« Se séparer suppose un nouvel investissement, d’où l’importance du groupe chez les adolescents. L’appartenance à certains groupes pseudo-satanistes remplit souvent cette fonction d’offrir à ses membres bien plus un style identitaire qu’un corpus de croyances dangereuses. Ce style identitaire (vêtements noirs, piercing, tatouages, etc.) signe dès lors, chez certains jeunes, leur appartenance au groupe ; il constitue un moyen pour se démarquer des autres et signifier son altérité. Dans ces groupes, il n’y a pas alors une réelle adhésion aux croyances des satanistes mais uniquement à leur apparence.

 Le diable représente un support identificatoire idéal pour certains adolescents. Satan a été le premier à refuser son affiliation, à rejeter toute autorité et toutes lois autres que les siennes. Satan représente la marge par excellence. Certains adolescents ne peuvent que s’y identifier, étant également à la marge de deux mondes : celui de l’enfance et celui des adultes. »

En écrivant ces lignes, je n’entends pas dire que tous les adolescents, parce qu’ils sont au cœur de la fragilité de l’adolescence, sont forcément attirés par la figure démoniaque mais aujourd’hui plus qu’hier, ils sont plus souvent et plus fortement mis en présence de cette figure. Les quelques jeunes prédisposés à flirter avec une ambiance satanique ont bien souvent commencé par simple curiosité, et les tentations sont grandes et omniprésentes.

Une enquête menée auprès de 115 collèges et lycées a révélé ces statistiques éloquentes: plus de la moitié des sondés (54%) se sont dits intéressés par l’occultisme et le surnaturel, un quart (26%) se disant “très intéressés†. Même si selon des experts, les affirmations selon lesquelles le satanisme est répandu chez les jeunes manquent de preuves solides, il ne fait aucun doute que de nombreux jeunes ont un penchant, ne serait-ce qu’épisodique, pour certaines formes de satanisme et d’occultisme.

A travers la littérature, les films, les jeux vidéo, les jeux de rôle, la musique, les vêtements, la culture des adolescents est remplie de références à l’occulte, à la quête du mystère, au combat manichéen du bien et du mal, au mal sous toutes ses formes et enfin à Satan lui-même.

Dans ce monde de l’immédiat permanent, du zapping et du déballage public, l’ésotérisme peut être perçu comme un bon exutoire.

«L’idée qu’il faut aller chercher au-delà de la réalité immédiate s’impose dans toutes les périodes de troubles et d’incertitudes sur les systèmes de pensée traditionnels» rappelle Jean-Pierre Laurant, chercheur au Groupe de sociologie des religions et de la laïcité. Plus on est jeune et détaché des dogmes religieux, plus on croit au surnaturel, observent les sociologues. Rien d’étonnant, donc, à ce que les ados se soient piqués au jeu de l’ésotérisme bien avant leurs parents.

On ne saurait passer sous silence les trente millions d’exemplaires du Da Vinci Code de Dan Brown qui, sans être « diabolique », détruit l’image du Christ en en faisant le père de la lignée mérovingienne ; Le Saint Graal est, quant à lui, réduit au sexe de Marie Madeleine. Nous poursuivons dans l’univers des pratiques magico-initiatiques avec « Le Seigneur des anneaux » ou « Matrix », sans parler du western chamanique qu’est « Blueberry, l’expérience secrète ». Les films comme « La Neuvième porte »,« Dogmata »,« Stigmata » ont fait fureur. Et que dire de la projection de la version intégrale de « ’Exorciste » que de trop nombreux jeunes ont vu.

On parle beaucoup également des jeux de rôle. Il n’est toujours pas prouvé qu’ils sont à l’origine de suicide ou de petite promenade dans les cimetières, ils seraient un bon moyen de vaincre sa timidité…On attend encore les analyses des psys et les enquêtes sociologiques sur ce phénomène qui, si l’aspect ludique n’est pas contrôlé, peut vite mener à la dépendance et à la dérive. Quant aux BD gore, elles n’ont plus grand chose à voir avec Hergé ou Uderzo !

On s’habitue peu à peu à la laideur et à l’horreur ce qui implique leur escalade dans la production visuelle afin de susciter encore quelques sensations.

« Jacky Cordonnier, historien des religions (Dérives religieuses, Chronique sociale), organise depuis des années des conférences sur les dérives sectaires dans les collèges et les lycées de l’Hexagone. Qu’a-t-il découvert? Que des flopées d’élèves jouent aux apprentis sorciers. Que des foules de gamins sont accros au spiritisme, à l’image de leurs héros des séries télévisées « Charmed » ou « Buffy et les vampires ». «Les profs sont sidérés et ils ont de quoi! s’exclame Cordonnier. Les élèves de quatrième ou de troisième font de l’alchimie, ils torturent des animaux, vont chercher des potions et des incantations sur Internet, lancent des invocations au diable et sont persuadés que ça marche!»…Un jeu? Oui, mais un jeu dangereux.

«Certains adolescents peuvent être instrumentalisés par des gourous et souffrir de troubles psychiatriques», prévient Jacky Cordonnier. D’autant que l’ésotérisme peut mener au satanisme, doctrine qui invite, elle aussi, à découvrir une autre vérité, en procédant au renversement systématique des valeurs morales. Portée par le rock black metal (Black Sabath, Kiss), la mode gothique et le succès d’icônes pop comme la star androgyne Marilyn Manson, , la vague démoniaque se propage chez les jeunes. Les colifichets favoris de ces adeptes au look de vampire? Croix renversées ou étoiles à cinq branches, symboles du Malin. D’après une étude du sociologue Yves Lambert, 21% des 19-28 ans croyaient en l’enfer en 1999, pour 11% en 1981. L’an dernier, la Mission interministérielle de lutte contre les sectes a relevé 23 profanations de cimetières à caractère nettement satanique, pour 18 en 2003. Certains de ces disciples de Satan basculent vers la mouvance néonazie et son apologie du mal, avertissent les spécialistes. Pas de quoi s’alarmer pour autant, estime le chercheur Guy Michelat. «Les jeunes se bricolent leur propre système spirituel. Du coup, chaque croyance prise séparément, détachée de la symbolique catholique et de sa cohérence, perd de sa signification, analyse le sociologue. Le diable renvoie au mal au sens très large, il devient porteur du désir qu’éprouvent les adolescents de s’opposer à la société.»

Le diable réclame sa part. Il la revendique même. La caractéristique de notre hypermodernité c’est, selon Michel Maffesoli, l’abandon du bien comme valeur absolue. C’est la fin d’une époque ; celle des valeurs véhiculées par le judéo-christianisme qui viennent de laisser la place à « l’hédonisme ambiant », la « sauvagerie latente » et l’ « animalité sereine ». L’Etre n’est plus un, il est pluriel et dans cette pluralité, il faut reconnaître l’aspect structurel du mal. Dans les sociétés post-modernes en gestation, corsetées et désenchantées par la saturation des valeurs universelles, dont la désaffection du politique n’est qu’une illustration, les marginalités créatrices, les altérités fécondantes, l’exacerbation de l’animalité et de la cruauté, la réanimation du sauvage sont le yin et le yang des ressources sociétales, nomades et tribales. La pensée occidentale pétrie de moralisme de bon aloi et de téléologie d’essence eschatologique ne peut éclairer l’obscur, « ôter les plis (ex-plicare) de l’opacité humaine »

Maffesoli nous parle de ces jeunes qui sont invités sinon poussés à « jouer » avec leur jumeau, leur double de l’ombre, redécouvert dans la crypte souterraine dionysiaque. Les désenchantés du monde contemplent « le retour du mal »et certains s’y adonnent en s’éclatant avec les copains dans des pratiques tribales, entre fusion et imitation.

« Bien sûr, dans cette mutation post-moderne, la morale est très loin, et ne sert à rien. L’appel du jumeau souterrain Dionysos, sous l’ombre omniprésente de la mort qui pousse à jouir de toutes les opportunités qui se présentent parce que la vie est courte, et dans cette nature où les fruits de la terre sont très visibles, pléthoriques, changeants, éphémères, est irrésistible. La matrice est là, elle appelle à l’orgie, tout cela est très concret, c’est peut-être amer, on n’a peut-être pas les moyens, mais on a le temps, on peut transgresser et alors c’est possible de prendre, de se consumer, le corps libéré des contraintes du travail peut s’éclater, bref, il y a cette sensation du creux, de la niche, de la crypte. Je crois que, pour finalement calmer, ranger chacun dans son pli, toutes ces niches que l’animal humain peut rejoindre par la sensation envoûtante de réversibilité, de manière libre ou bien apparemment transgressive et violente, cruelle, sont beaucoup plus efficaces que n’importe quelle morale.

Pendant ce temps, la maligne bio-technologie produit tranquillement les fruits sucrés et amers de la terre. Et ces enfants éternels sont vraiment très mignons, même ceux qui s’éclatent de manière si sauvage, dans tant de bruit ».

Dionysos interpelle peut-être plus que Lucifer, mais ce dernier, passé de l’ombre à la lumière, de quelques cercles restreints à la mondialisation médiatique attire encore, il est certainement dans la transgression, facteur nécessaire à l’évolution de l’adolescent, mais il risque d’ôter les limites, autre facteur nécessaire au passage à l’âge adulte.

Sans voir le diable partout, nous savons que l’attrait pour le monde des ténèbres dans ses diverses manifestations (littérature, films, jeux vidéo ou de rôle, musique ou Internet…) est le signe d’un malaise ou d’un mal-être des adolescents à cet âge clé de leur vie. Les déviances sont souvent trop vite là.

Il appartient à chaque parent, à chaque éducateur, à chaque responsable d’aumônerie d’essayer de faire la part des choses afin de proposer à temps et à contre-temps l’Espérance qui sans cesse fait renaître à la Vie.

Thierry Dassé.

Prêtre. Docteur en Philosophie.

Note du rédacteur

Paul VI, Audience Générale du 15 novembre 1972, SA 730

Jean Paul II, Audience Générale du 13 août 1986.

« Cyberpresse » , 18 février 2005 par Angela Doland

Ce sont les têtes de chapitres du livre de François de Singly. « Les uns avec les autres ». « Quand l’individualisme crée du lien ». Hachette Littératures. Armand Colin 2003. Analyse d’un nouvel individualisme permettant la construction ou la reconstruction d’un lien social plus souple.

Dans son essai sur « L’ère du vide ».

On peut lire à ce propos le remarquable développement qu’en fait Frédéric Lenoir dans son livre sur « Les Métamorphoses de Dieu ».

Christophe Allanic (Psychologue clinicien). Source : Bulles n°74, 2 ème trimestre 2002

L’Express du 20 juin 2005 sur « La folie de l’ésotérisme ».

Michel Maffesoli. « La part du diable, précis de subversion post-moderne », Paris, Flammarion, 2002.

op.cit. p. 133

Titre du chapitre premier du livre de Jean Claude Guillebaud. « Le goût de l’avenir », Editions du seuil 2003

Commentaire de Alice Granger Guitard sur « La part du diable » de Michel Maffesoli. Sur site internet.