LA MISSION DE L’AUMONERIE DE L’ENSEIGNEMENT PUBLIC

Vous trouverez dans ce dossier l’ensemble des interventions de la session des Nouveaux diocésains des 17, 18 et 19 octobre 2005 à Paris.

I – Une mission essentielle de l’Eglise, proposer la foi aux jeunes

La mission de l’Eglise c’est celle que lui a confiée le Christ : poursuivre son œuvre en annonçant la Bonne Nouvelle de l’avènement d’un monde nouveau où tout homme a la vie, pour que le monde puisse vivre de cette bonne nouvelle.

Cette mission n’est pas une abstraction intemporelle. Elle s’incarne :

 dans l’espace et dans le temps

 dans un contexte

 dans des destinataires et des acteurs.

1 – Dans l’espace et dans le temps

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Dans l’Eglise qui est en France et qui ne ressemble à nulle autre :

La laïcité fait partie de sa détermination, tout comme les fractures sociales et l’indifférence religieuse : c’est dans ce sens que dans la Lettre aux Catholiques de France ces éléments sont relevés non pas pour les déplorer, mais pour les signaler comme structurant la profession de foi.

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De même est déterminant ce qu’est votre diocèse :

Il y a des principes communs, mais il n’y a pas à uniformiser la mise en œuvre de la mission. Elle est totalement dépendante de la réalité de votre diocèse.

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Au XXIe siècle :

La mission de l’Eglise ne souffre pas de nostalgie et de conservatismes. Elle doit toujours être adéquate au temps dans lequel elle se déploie : ceci veut dire que nous avons le souci d’être au fait de notre temps, de sa culture, de ses préoccupations.

2 – Dans un contexte

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Une société sans homogénéité : nous vivons généralement dans des terres multiculturelles et multispirituelles. Ces changements sociaux font que le projet missionnaire de l’Eglise et la méthode changent. Il faut donc éviter les lamentations qui expriment souvent un sentiment d’échec et se demander si on a bien écouté et bien affronté la culture ambiante.

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Pour nous à l’A.E.P., cette mission s’incarne dans un monde scolaire fait de relations complexes entre parents, enseignants, personnels administratifs. La mission n’est pas transposable à l’identique ailleurs.

Tout ceci indique combien il est nécessaire que nous soyons disponibles à reconnaître et emprunter les chemins de la mission.

3 – Dans des destinataires et des acteurs

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Les destinataires de la mission sont principalement les jeunes. Ils sont même l’urgence de

la mission, parce que dans la société déconstruite d’aujourd’hui ils sont en recherche de repères.

De quelle manière est-on destinataire de la mission ? Non pas sous l’angle d’un message à « avaler », mais sous l’angle de la croissance et de la maturation de la foi de ceux à qui cette foi est proposée.

La mission est de permettre l’adhésion au Christ et à sa Bonne Nouvelle. Elle est toujours donc plus orientée vers la construction que vers l’entretien.

Si la mission est orientée vers la construction d’une communion, elle ne doit pas moins être au service de la particularité de chacun. Un destinataire n’est pas l’autre. Pour avancer, il faut prendre en compte toute la singularité de chacun.

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Des acteurs

L’acteur principal c’est l’Esprit, mais il y a des médiations

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Tout d’abord l’évêque

Il est le premier acteur de la mission, parce qu’il a le devoir de veiller à ce qu’elle soit remplie.

Il doit donc prendre et donner des moyens pour cela, susciter les collaborations qu’il faut, faire émerger des projets féconds. Il reste le maître du discernement quant aux choix à faire.

Il doit tout faire pour éviter les obstacles internes à la mission. Il suffit déjà de ceux qui sont sur le terrain (pour l’AEP le rectorat, les chefs d’établissement, les conseils d’administration) et ne pas en laisser s’ajouter d’autres internes : antagonismes entre des manières de faire, entre des structures. Les difficultés ne doivent pas venir aussi de l’Eglise

Il peut cependant y avoir conflit entre des services et des conceptions de la mission. En ce cas :

 toujours rechercher le dialogue et la communion ;

 se resituer non pas par rapport à ma mission mais par rapport à la mission de l’Eglise.

Le dialogue peut être difficile quand on a en face de soi la volonté d’affirmation d’un pouvoir, non pas nécessairement l’évêque, mais un prêtre qui se prend pour l’évêque. La visée doit toujours être la communion de l’Eglise, car c’est elle seule qui peut assurer la fidélité à l’œuvre du Christ et la fécondité de cette œuvre.

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La mission est partagée avec d’autres acteurs. Il n’y a pas de mission qui ne soit partagée.

L’évêque partage sa mission d’évangélisation des jeunes avec des baptisés engagés dans des lieux d’Eglise. Vous, entre autres, mais d’abord au titre de votre baptême. C’est le baptême d’abord qui fait que vous êtes pris aux sérieux et invités à entrer dans des modalités concrètes de la mission. Ce n’est pas votre salaire qui fait votre mission, c’est votre baptême.

Au titre de votre baptême vous avez à être témoins du Christ ressuscité auprès des jeunes. C’est cela votre raison d’être et non pas le fait d’être fonctionnaire d’une institution donnée. Que vous le soyez dans le cadre d’une institution est un fait, mais le fait prédominant c’est votre baptême. C’est ce qui justifie qu’on puisse parler ensemble avec d’autres acteurs de la mission dans d’autres modalités.

Il s’agit d’exister aujourd’hui, dans notre Eglise au bénéfice des jeunes. Exister non pas entre d’autres mais avec d’autres et pour eux.

Ce qui veut dire que dans la mission, il ne devrait jamais y avoir de nostalgiques d’une ère révolue, ni les tenants d’un spécifique coulé dans le bronze. Parce qu’elle est inscrite dans le temps, la mission est toujours évolutive. Il est extrêmement important de bouger avec le monde qui bouge.

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Les jeunes sont eux-mêmes acteurs de la mission.

En exprimant des besoins, des attentes, des questions.

Evangéliser c’est les identifier et permettre qu’ils trouvent les réponses. Nous n’avons pas les réponses mais nous pouvons permettre qu’ils les trouvent. C’est à inventer.

Il ne s’agit pas d’instrumentaliser les jeunes pour la cause de l’Eglise. Vouloir que les jeunes viennent à la messe, cela peut vouloir dire qu’on veut assurer l’avenir de notre système. Il s’agit surtout de leur dire l’estime et l’amitié pour ce qu’ils sont et ce qu’ils cherchent. C’est leurs recherches, leurs découvertes, leurs expressions qui sont le signe que la mission se réalise.

A nous donc de trouver l’attitude juste pour que l’expression d’eux-mêmes puisse émerger. Cela signifie en particulier qu’on ne se fasse le dévot d’aucun système. « L’école » reste centrale dans leur vie, mais elle n’est pas toute leur vie.

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La communauté chrétienne elle aussi est acteur de la mission auprès jeunes.

Le premier résultat à viser, c’est le lien entre les jeunes et la communauté. Il ne s’agit pas de faire avec les jeunes une communauté à part mais de trouver une place pour eux dans la communauté ecclésiale.

II – Ce que l’Eglise attend de l’A.E.P.

* Qu’elle propose la foi.

Proposer la foi et accueillir la foi c’est toute une histoire, toute une aventure. Il faut pour cela rencontre, proximité, dialogue, suivi, fidélité. Ceci veut dire un vaste champ pastoral dont on ne circonscrit jamais tous les contours. Mais toutes ces dimensions font partie de ce que doit être la mission de l’A.E.P.

La perspective : conduire les jeunes à une expérience chrétienne : une part de transmission de connaissances, mais à l’arrière-plan quelque chose qui est de l’ordre de la vie, de la vie partagée. Un chemin qui va vers la rencontre de la communauté chrétienne, mais qui passe par toutes les étapes nécessaires à partir de ce que sont les jeunes.

* Qu’elle se consacre aux jeunes

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Parce qu’ils passent beaucoup de temps à l’école, il est important d’aller les retrouver dans leur lieu de vie et d’y annoncer l’Evangile.

Cela suppose une présence adéquate – en fonction du contexte de laïcité – et renforcée par une bonne relation avec le monde adulte de l’enseignement. Cela fait partie du cahier des charges.

Entre l’idéal et le possible il y a de la marge. La présence au sein de l’établissement n’est pas partout assurée. Mais toujours il faut essayer de rendre compte de la réalité scolaire qui marque les jeunes et ceux qui les entourent dans leur temps scolaire, qui, dans un sens, les marque même lorsqu’ils manifestent le besoin de s’en évader.

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Il s’agit de traiter les jeunes comme des destinataires privilégiés de la mission, donc avec une attention particulière, une mobilisation forte pour eux.

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Il s’agit de prendre place dans une pluralité d’expériences d’un « faire Eglise jeunes ». Une pluralité qui correspond à des sensibilités différentes, à des proximités différentes. Il revient aux évêques de porter le souci de l’unité et de la communion. L’idéal c’est la coopération dans le respect des spécificités : selon les cas c’est plus ou moins bien vécu ; il est important que cela le soit de plus en plus et que se rapprocher ne signifie pas perdre son identité.

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Qu’elle soit témoin auprès d’adultes, en particulier des enseignants.

Cela fait partie de la mission d’aller à la rencontre des divers acteurs du monde scolaire qui du fait de leurs fonctions impriment quelque chose dans la vie des jeunes. L’Eglise est engagée elle aussi dans un travail d’éducation (educere). Il est important qu’elle ne travaille pas à côté de la réalité éducative.

Comme déjà dit, si cette mission n’est pas reliée d’une manière ou d’une autre au fait scolaire, il n’y a aucune raison d’appeler ce qu’on fait A.E.P. Les possibilités qu’offre la loi se déclinent de façon variable selon les lieux et les personnes. Il est important que vous sachiez les saisir humblement dans un esprit d’humilité et de collaboration.

Ce qui veut dire qu’il est important d’être là, de dialoguer quand c’est accepté. La mission c’est toujours être sur le terrain. Mais ne jamais oublier que l’A.E.P. est présente grâce à la loi et non pas pour faire la loi.

Dans ce sens la mission de l’A.E.P. est un signe : celui de la volonté de l’Eglise d’être au cœur du monde pour la mission, en ne s’imposant pas mais en se proposant au monde, en prenant en compte ce qu’est le monde et ce qu’il attend. Vous signifiez par ce mode de présence que l’Eglise a quelque chose à recevoir du monde et quelque chose à dire au monde.

La Parole du Christ n’est pas celle qu’attend le monde. Mais elle vient éclairer le monde parce qu’elle est remplie d’amour pour le monde (donc de connaissance du monde).

Cet accueil du monde tel qu’il est n’est pas une résignation, mais un choix. Ce choix signifie une valorisation du monde. Le monde des jeunes et le monde de l’école sont porteurs d’Evangile dans leur culture et dans leurs modes de vie.

III – L’évêque et le responsable A.E.P.

L’Evêque :

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donne mission.

Toute mission pastorale vient de l’évêque. L’A.E.P. n’est pas seulement tolérée. Elle a mission et sa mission ne peut prendre sens que si elle est en lien avec les orientations diocésaines définies par l’évêque. Elle ne peut donc que se considérer partenaire de ceux qui, comme elle, sont tenus par les orientations diocésaines.

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Garant de l’unité de la pastorale des jeunes, de la proposition de la foi aux jeunes. Il n’y a pas plusieurs  » fois « . Il faut que le jeune puisse percevoir que ce qui est en jeu c’est la foi et non pas la méthode.

Le responsable de l’A.E.P.

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Interlocuteur de l’évêque et des autres réalités ecclésiales.

Sa mission c’est d’inscrire clairement l’A.E.P. dans la pastorale diocésaine (pastorale des jeunes et autres). Suppose une initiative de sa part auprès de l’évêque et des autres services : pas sur convocation.

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Interlocuteur de l’évêque auprès des instances du monde scolaire :

une crédibilité positive.

Etre vis-à-vis non pas pour se fonder, mais pour fonder une relation de part et d’autre.

L’A.E.P. donc : un service fort de la rencontre entre le monde et l’Evangile .

Mgr Marc STENGER

Evêque accompagnateur.