LA MISSION DE L’AUMONERIE DE L’ENSEIGNEMENT PUBLIC (1)

Introduction

– Envoyés

Quelle Bonne Nouvelle que d’être envoyés en Église pour cette mission d’évangélisation auprès des jeunes ! Pas de plus grand malheur dans une vie que de n’être embauché par personne quand il y a tant à faire. Nous ne sommes pas venus de nous-mêmes, on est venu nous chercher, et nous avons répondu, telle est notre joie, et surtout la source de notre liberté. Nous sommes envoyés. Appelés et envoyés, comme les Douze que Jésus a choisis et appelés “pour être avec lui et pour les envoyer† Mc 3, 14. Double mouvement de présence et d’initiative. L’Eglise nous missionne et nous nous mettons en projet, propriétaires de rien et cependant responsables. La mission, nous la recevons, nous l’assumons et puis, nous la rendons.

– Aujourd’hui

Le salut est là. « Le temps est accompli, le Règne de Dieu s’est approché. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile†. Mc 1,14 Dieu vient, il se hâte vers les jeunes. En Jésus, par nous, par l’Eglise, il accourt, tel le Père bras ouverts sortant accueillir son fils sur le seuil. Mais sommes-nous toujours assez sur le qui-vive ? Trop souvent écartelés entre les tâches actuelles écrasantes et l’avenir à préparer, n’esquivons pas l’appel. C’est bien “maintenant le temps du salut, c’est aujourd’hui le temps favorable†. 2 Co 6,2 Les jeunes – comme les pauvres – nous apprennent à accueillir le présent comme un cadeau. Dieu est là. D’abord, ne pas rater son rendez-vous, même au nom de nos projets, car, dans cette société si soucieuse d’anticiper, si inquiète de l’avenir, il peut y avoir une tyrannie des projets. On le voit dans les entreprises comme dans l’Eglise. Se projeter, investir dans des organisations à long terme, prendre du recul, mettre ses actions en perspective, dans le sens d’une histoire, c’est, ô combien, nécessaire. Veillons simplement à ce que cela ne devienne pas un alibi pour fuir le présent. Certes, Jésus se projette vers Jérusalem, mais il prend le temps de toute rencontre sur le chemin, se laissant instruire et bousculer par les événements. “L’événement, notre Maître intérieur† Emmanuel Mounier. Les jeunes ont besoin de notre disponibilité, de notre patiente présence.

– Auprès d’adolescents.

Ces jeunes ne sont plus des enfants et pas encore des adultes. Entre deux rives, ils sont inachevés, instables, en crise de croissance, mais vivants. Très vivants ! Passionnante tâche éducative. Certains dérivent. Tous peinent. Heureux sommes-nous d’être envoyés auprès d’eux pour les accompagner. N’attendons pas qu’ils soient plus grands pour leur offrir amitié, repères, formation, et pour leur proposer la foi. En ce temps de toutes les constructions, comme nous y invite Mgr Marc Stenger, soyons auprès d’eux des maçons plus que des agents d’entretien.

– Témoins de la foi à la manière de Jean Baptiste

La figure de Jean Baptiste peut nous aider. Les temps de crise, il connaît. Voilà qu’il surgit à contre -courant de son époque, dénonçant avec courage toutes les impasses, les chemins de mort, invitant puissamment à la conversion. Attirées par sa parole de feu qui tranche sur la molle opinion publique, les foules accourent. Intrigués, les chefs religieux débarquent aussi pour enquêter. Pour qui se prend-il celui-là ? “Que dis-tu de toi-même ? Es-tu le Messie ?† Jn 1, 19-28 L’évangéliste Jean insiste sur la réponse entêtée du Baptiste. “Il confessa, il ne nia pas, il confessa : “Je ne le suis pas†. Jn 1,20 Le messager ne se prend pas pour la lumière, il montre la Lumière. Comme lui, nous non plus ne sommes pas le Messie. Dieu n’a pas tant désespéré du monde qu’il aurait créé l’aumônerie de l’Enseignement public (!) Soyons la voix qui crie dans le désert : “Préparez les chemins du Seigneur†. Is 40,3 Jean Baptiste tourne les gens vers un Autre que lui-même. Personne ne connaît le Christ. “Voici l’Agneau de Dieu !† dit Jean en s’effaçant. Effectivement, lorsque Jésus paraît, les disciples se détachent du Baptiste et suivent Jésus. Notre tâche est de conduire les jeunes à Jésus. Saint Paul l’affirme : “Je ne suis pas venu pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile†. 1 Co, 1, 17 L’AEP se reconnaît aussi dans cette parole. “Non, ce n’est pas nous-mêmes mais Jésus Christ Seigneur que nous proclamons† 2 Co 4,5 Nous annonçons le Christ, pour renvoyer les jeunes vivre ensuite en chrétiens dans les lieux d’Eglise où nous aurons su les orienter. “Aumôneries, communautés de passage† inscrit un diocèse dans sa charte. Les jeunes passent en aumôneries, ils passent, sans y rester. Qu’ils demeurent en Christ, voilà notre espérance. Quant à nous, notre mission est de croire sans voir. De croire à la moisson déjà présente dans la Parole semée. Mais croyons-nous assez ?

I. Croire, un acte vital

– Croire, une épreuve humaine fondatrice, aujourd’hui mise à mal

C’est précisément l’acte de croire aujourd’hui qui est difficile. Croire n’est pas savoir. C’est se fier, donner sa confiance. Or, à tous les niveaux, cette capacité de faire confiance – à soi-même, aux autres, aux institutions, à Dieu – semble en crise. Certains disent que nous vivons une crise sans précédent de l’autorité. Crise générale de transmission. A qui se fier ? Comment se fier quand tout le monde se méfie de tout le monde ? Délit de faciès, contrôles incessants, peur d’être trompé. Face à la critique systématique comme au besoin irrépressible de preuves dans une société de plus en plus technicisée, qui valide encore l’autorité familiale, parentale, politique, ecclésiale ? Tout est relatif et lié dans cette crise de civilisation, crise culturelle, autant que politique et religieuse.

– La mission de croire

Faut-il s’effrayer outre mesure ? “Qu’est-ce que la vérité† ? demandait déjà Pilate jadis. Jn 18,38 Dans la vie, toute crise est une chance. Rupture de l’ordinaire, remise en cause de la routine, toute crise sollicite une réaction, une liberté accrue, une prise de responsabilité. Que faisons-nous de ce qui nous arrive ? C’est dans ce contexte difficile et passionnant de “crise de foi† que nous avons à être témoins. Dès 1996, les évêques de France nous lançaient un vibrant appel.

“Nous voilà appelés à vérifier la nouveauté du Don de Dieu de l’intérieur même de notre foi dans cette société incertaine qui est la nôtre. Nous voilà appelés à puiser nous-mêmes aux sources de notre foi le courage et l’espérance nécessaires pour faire face à nos responsabilités. Nous voilà appelés à proposer l’Évangile non pas comme un contre-projet culturel ou social, mais comme une puissance de renouvellement qui appelle les hommes, tout être humain, à une remontée aux sources de la vie.†

Lettre des évêques aux catholiques de France, Cerf, 1996, p. 25

Beaucoup de livres religieux sont publiés actuellement avec, pour but, de rappeler les contenus de la foi. Le catéchisme abrégé par exemple. Devant la perte des repères, ce résumé est sans doute fort utile. Mais en amont, pourquoi est-il vital de croire ? A quoi engage l’acte de croire lui-même ? Jean-Yves Calvez, s.j., risque sa réponse dans un petit livre.

“Je me suis avancé le moins que j’ai pu dans le domaine du “ ce que je crois †. J’en suis resté le plus possible au croire même, pour que la religion demeure le plus possible saisie en son jaillissement plutôt qu’en sa rationalisation. Il faut aujourd’hui se ressourcer, redécouvrir à partir du centre même, là où l’on croit, se donne, fait confiance absolument †.

Croyant chrétien. Cerf, Paris, 2005

– A l’âge de l’adolescence, le besoin fondamental d’expérimenter la confiance.

“Ceux qui m’ont fait me veulent-ils du bien ? M’aiment-ils ?† La grande peur des ados est de décevoir leurs parents. Ils angoissent de perdre leur estime, leur confiance. Ce qui a contrario montre bien que c’est l’amour qui les fait tenir debout. Le fond de l’être est blessé quand le doute s’installe. Entendons l’appel. Avant d’annoncer quoi que ce soit, l’attitude éducative première est de croire dans les jeunes. Il est capital de leur faire confiance. Nous croyons que l’Esprit Saint répandu sur toute chair habite en eux. L’estime, l’amitié que nous leur donnons contribuent à fortifier en eux la précieuse estime d’eux-mêmes.

Aidons-les aussi à croire en leurs amis. Abordons avec eux ce grand thème de l’amitié : donner sa foi, sa confiance à ses amis est très constructif. Toute expérience d’amitié les construit et fortifie en eux la capacité de croire en Dieu.

Alors, progressivement, ils pourront se réjouir de se recevoir des autres, ils apprendront à se fier aux autres, à croire en eux-mêmes, à s’estimer, à compter sur autrui, à se découvrir solidaires, à apprivoiser le temps, à se fier un jour aux institutions, à donner leur confiance, à s’engager, à risquer leur pensée, des actions, à engager l’avenir, à faire des choix, puis à tenir les engagements pris, etc…

– Pourquoi les jeunes feraient-ils aujourd’hui confiance à l’aumônerie ?

Qu’est-ce qui nous rend fiables ? Rien d’autre que la confiance qui, au nom du Christ, nous habite et qui vient de lui. Nous misons sur le Fils de Dieu. Savons-nous assez le montrer ? “Il ne nous suffit pas d’être croyants, il nous faut être crédibles† répète l’abbé Pierre. Pour être témoins de la foi, il faut… simplement nous-mêmes être croyants. Joyeusement, paisiblement.

“La profondeur d’une action spirituelle est directement proportionnelle à l’engagement de son auteur. Le vrai rayonnement est une force centripète : “J’attirerai tout à moi…† Le problème essentiel de l’apostolat est donc le problème de l’être de l’apôtre. Les saints ? “Ils n’ont qu’à exister, leur existence est un appel†. (Bergson) La Vie attire, comme la Joie.

Paradoxes et Nouveaux paradoxes . Henri de Lubac. 1949

Dans l’incertitude ambiante, savons-nous assez montrer en QUI nous mettons notre confiance ? Montrer combien le Christ, Seigneur de nos vies, nous éclaire, nous rend forts dans les difficultés de l’existence. Les jeunes nous regardent. Certains adultes leur donnent envie de croire, d’autres pas. L’Évangile se propage par contagion. Être heureux dans sa foi, heureux et unifié est le chemin. Car tous, nous sommes tentés de nous éclater. En miettes, nous cédons trop facilement comme les jeunes aux sirènes de la dispersion, du divertissement induit par la société de consommation. QUI fait l’unité intérieure de nos vies ? Qui tient l’unité de nos groupes et communautés aux mille couleurs ? QUI garantit la Paix, paix intérieure, paix sociale ? Pour s’appuyer sur nous, les jeunes attendent des adultes solides, humblement solides, fraternels, artisans d’unité et de paix.

Dans la transmission de la foi, il semble que certains aujourd’hui hésitent à passer par l’assise anthropologique de l’expérience de la confiance. Ils veulent trop vite aller au terme, la foi, sans prendre le temps de faire découvrir ce qu’est la confiance. Une confiance fondatrice. La Révélation chrétienne ouvre un chemin. Comment s’y prendre ? Et si notre première mission était d’opérer un grand retournement ?

II. Donner à voir et à croire l’expérience chrétienne : le Christ se reçoit

tout entier du Père et remet sa vie entre ses mains.

– “ Le salut, c’est se tenir en son origine † Maître Eckart

Toute la société, l’école, les parents semblent s’allier pour orienter les jeunes en permanence vers leur avenir. “Que veux-tu faire plus tard ?† La question résonne tôt, angoissante, débouchant sur des orientations prématurées, l’apprentissage pour certains dès 14 ans, l’enfermement pour d’autres dans des sections avec options de plus en plus spécialisées… Il faut choisir. Les jeunes essayent de se projeter, sans trop y croire. En même temps qu’ils sont arc-boutés sur la préparation de cet avenir, les adolescents ont hâte de tourner le dos à leur passé. Sortis de l’enfance, ils remettent en cause l’autorité des parents, cherchant à se libérer pour s’affirmer.

Paradoxe. Au fond d’eux-mêmes, ils se savent héritiers. Prêts à la reconnaissance. “Des racines et des ailes†. Pour avoir des ailes, il faut des racines. A la suite du Christ, qui nous l’a révélé, nous disons aux jeunes : “Ton avenir, il tient dans ton origine, en Dieu qui t’aime depuis toujours, qui t’a créé et qui s’intéresse à toi. Dieu t’attend†. – “Je m’en remets à celui qui m’a créé. Croire suppose d’être attendu† J.-Y. Calvez.

– « Au commencement est la relation » Maurice Zundel.

Tout au long de l’Évangile, court cette question : “D’où vient-il ?†Jésus est Fils. Tout en lui vient du Père. De lui, donc, si parfaitement Fils, nous apprenons et nous croyons qu’au commencement, il y a toujours quelqu’un qui nous précède, nous aime et nous appelle. “Me voici† répond l’être aimé avant de dire “je suis†. Il arrive que cette reconnaissance se fasse de nuit, dans la douleur et la révolte. La filiation est si souvent blessée. Pourtant, quelles que soient les blessures, la vie nous vient de plus loin que nous-mêmes et pour avancer, l’homme doit apprendre à se recevoir. “C’est le lien avec l’autre qui me constitue comme être humain† Jean-Claude Guillebaud. Dans cette société individualiste, affirmons que l’homme créé à l’image de Dieu n’est pas un individu voué à la solitude, isolé dans sa bulle, coupé des autres, déraciné, mais une personne reliée qui se reçoit des autres, promis au bonheur dans la communion avec d’autres. Dans l’amour.

Exercice pratique. A l’aumônerie, nous pouvons accueillir les jeunes en les aidant à composer leur carte d’identité. Quelles relations les font exister ? †Qui es-tu ?† Non pas seulement “ Arthur… †, mais Arthur, fils de…, petit-fils de…, frère, ami, cousin, neveu, filleul, collégien de… paroissien de… scout à… membre de tel club, etc… Tout au long de son existence, sa carte s’élargira. Voilà qui révèle le fondement de la foi comme acte humain. A l’origine, tu es fils, fille, un jour, tu seras époux, épouse, père, mère, appelé à l’image de Dieu à fructifier, à devenir fécond, de toute fécondité humaine, intellectuelle, affective, spirituelle. Mais c’est en te reconnaissant fils que tu deviens homme capable de fécondité.

Telle est l’action de l’Esprit Saint, lui qui fait l’unité de toutes ces différents liens tissés en un seul cœur humain, lui encore qui nous fait découvrir, entre filiation et paternité, l’alliance comme vocation, la communion comme horizon de bonheur. Toutes les relations nous construisent, même les plus blessées. Les crises de la foi sont toutes relationnelles.

Nous-mêmes, animateurs, relisons l’histoire de notre foi, ses hauts et ses bas.

Qui a été témoin pour nous ? Présentons-nous aux jeunes comme des êtres reliés, référés qui savent se recevoir des autres, d’un Autre. Pas comme des gourous suffisants, indépendants, mais comme des hommes et des femmes d’Église, riches des liens précieux qui nous font exister. Travaillons en réseaux, non seulement pour être efficaces, mais pour révéler que nous sommes dans le Christ d’abord et avant tout des êtres de relation. Mis ensemble. Une façon permanente de quitter le “moi-je† de l’individu pour consentir au “me voici† de la personne définie par ses “reliances .† P. Ricoeur.

III. Conduire explicitement à Jésus

Le salut n’est pas quelque chose. C’est Quelqu’un. Le christianisme n’est pas un conglomérat de valeurs, une réserve éthique. C’est le Christ. On peut parfois constater que là où on parle beaucoup de valeurs, d’engagement, on ne parle plus guère de… Jésus Christ. Or, le salut, c’est Lui.

– “J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé† 1 Co 4,13

On oppose trop souvent la parole et la vie. Même une vie parlante a besoin de mots pour se révéler. “On n’a encore rien fait quand on a seulement exprimé les fondements, mais quand on en manque, on est condamné à ne jamais rien faire† Paul Valéry. Croyons-nous assez à la nécessité de parler ?

Un jour, à la veille d’une journée pédagogique dans un lycée catholique, des jeunes ont voulu provoquer leurs enseignants en taguant le mur de l’établissement : “Ceux qui le peuvent agissent, les autres enseignent†. Cette phrase a bouleversé l’équipe éducative qui a réfléchi et finalement mieux perçu la valeur de sa parole. Car parler est aussi un engagement. Une action. Certes, il y a des bavardages creux et inutiles, mais il y a aussi des interrogations qui suscitent la vie, des exclamations qui font naître la louange, des impératifs, des interdits indispensables à la vie en société.

Et puis, il y a les paroles performatives, celles qui engendrent et font advenir ce qu’elles disent. Par la parole, Dieu crée le monde. Par la Parole, il appelle et envoie. Parole de foi qui fait ce qu’elle dit, qui transforme et fait naître. “Que ta Parole fasse en moi ce qu’elle dit† dit Marie à l’ange de l’annonciation. Puissent nos aumôneries devenir des lieux d’Annonciation où le Verbe se fait chair. Mais…“Comment croiraient-ils en lui sans l’avoir entendu ? Et comment l’entendraient-ils si personne ne le proclame ?† Rm 10, 14 L’Évangile ne s’invente pas. Il se reçoit. Il se découvre. L’urgent est donc de donner aux jeunes l’Évangile. Sans chercher à l’adapter. L’offrir tel qu’il est, comme on offre du pain sans attendre qu’ils le réclament. Ils ont faim et soif.


 Marquer des étapes de l’acte de croire.

* Écouter et croire Jésus quand il parle. Le croire, se fier à lui quand il proclame par exemple « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux » Mt 5, 3 Entrevoir la sagesse cachée derrière cette folie. Croire que ce qu’il dit là est vrai, qu’on peut s’y risquer parce que c’est solide. On en fait l’expérience et on trouve à notre tour que c’est bon, très bon.

* Croire COMME Jésus. Séduit, touché par son exemple, on va consentir à changer son comportement pour l’imiter. Faire comme lui. Imiter sa façon de vivre, sa façon d’être, de parler, de croire en l’homme, de croire en Dieu.

Avec le temps, on remarque qu’on n’est pas toujours récompensé, qu’on ne change pas facilement, et puis, Jésus lui-même est contesté, rejeté, crucifié. Épreuve de la foi. Espérance éprouvée. Progressivement, on perçoit qu’il y a un autre secret. Jésus ne conduit pas à lui-même, mais vers Quelqu’un d’autre. Vers qui ? Vers qui marche-t-il avec tant de confiance ?

* Croire EN Jésus. C’est le sommet. La plénitude. Le Père dont Jésus parlait a relevé son Fils d’entre les morts. Cet homme exceptionnel est Dieu comme Dieu, le Fils unique et bien aimé du Père, le Sauveur du monde. Croire en lui, c’est le reconnaître vivant aujourd’hui, faisant aujourd’hui sa demeure en nous. Folie de la foi ! C’est Lui qui fait confiance le premier. “Le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances† Ph 3, 10 . Croire en lui signifie alors s’en remettre totalement à lui pour une vie en alliance avec lui.

– Animateurs témoins de la foi : une mission exposée, un chemin pascal.

Au milieu des jeunes, nous expérimentons nous-mêmes la foi comme épreuve, reliés que nous sommes au Ressuscité bien souvent par sa Passion. Née au matin de Pâques, source de joie, notre foi est aussi crucifiée et crucifiante. Elle nous expose. Nous l’attestons et en même temps, elle nous rend vulnérables, comme le Christ est solide et vulnérable. C’est la foi éprouvée de l’apôtre.

Pour nous, vivre pleinement la vie de prêcheurs, c’est découvrir que nous sommes ouverts, déchirés. Prêcher, ce n’est pas seulement parler de Dieu aux gens. C’est porter au sein même de nos vies cette distance entre la vie de Dieu et ce qui en est le plus éloigné, aliéné, blessé. Nous n’avons une parole d’espérance que si nous entrevoyons de l’intérieur la souffrance et le désespoir de ceux à qui nous parlons. Nous n’avons pas pour eux de parole de compassion sans connaître en quelque sorte comme nôtre leurs échecs et leurs tentations. Nous n’avons pas de parole qui propose un sens à la vie des gens, à moins d’avoir été touchés par leurs doutes et d’avoir entrevu l’abîme. †

Timothy Radcliffe. Doc. Catholique n° 2184.

Partageons entre animateurs non seulement nos joies apostoliques, mais aussi nos souffrances liées directement à la mission. Son poids. Notre péché. Nos blessures.

Dans son livre Paul et son ministère, (éd. st Augustin), le cardinal Martini évoque trois sortes de souffrances chez l’apôtre :

1 – La souffrance propre à la mission. Marqués par nos petits nombres, nous souffrons en songeant aux foules de jeunes qui ne savent pas de quel amour ils sont aimés. Nous en sommes blessés comme le Christ était ému de compassion devant les foules sans berger. Comme lui, croyons, et sortons les nourrir.

2 – Les oppositions intérieures, internes à la communauté, la souffrance qui nous vient de nos frères. Les jeunes sont hélas trop souvent témoins de nos divisions, de nos jalousies, voire de nos rivalités institutionnelles. Satan le multiple. Dieu l’unique. Souffrons davantage de ce péché collectif et prenons des chemins de vérité, de réconciliation. Humblement, croyons.

3 – Enfin, notre propre tempérament nous fait souffrir, nos incompétences, notre lenteur à aimer, à espérer, à croire. Toute cette émotivité, cette peur d’être jugé, qui nous fait trembler devant le regard des autres et nous fait souffrir parfois jusqu’au dégoût du ministère. Croyons que le Père nous aime tels que nous sommes, faisons confiance à l’appel que nous avons reçu. Croyons.

Ces épreuves ne nous anéantissent pas. Paul cherche la consolation du Christ au cœur même de ses épreuves apostoliques. Ainsi, nous ne donnons pas à voir aux jeunes une foi lisse, comme des adultes qui ne seraient pas touchés par les épreuves de la foi et de la vie, mais nous aimons cultiver la bonté du croire au sein même des épreuves, forts de la puissance du Ressuscité en nos vies. Il est avec nous “tous les jours jusqu’à la fin du monde† Mt 28, 20

Conclusion

“L’amour seul est digne de foi† Urs von Balthazar.

Nous avons ouvert cette réflexion avec Jean Baptiste. Ce grand témoin de la foi, dans sa prison, a eu des moments de doute. Comme nous. Aidons-nous alors mutuellement à recevoir la réponse que lui fait le Christ. “Allez dire à Jean – allez dire aux animateurs de l’aumônerie – “les aveugles voient, les boiteux marchent droit, les sourds entendent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.† Lc 7, 18-23 L’homme vivant, gloire de Dieu, voilà notre joie ! L’amour ne doute pas, c’est le plus beau nom de la foi. La foi n’a pas le dernier mot, elle a le premier, indispensable, fondateur, mais non point dernier. Fondé sur la foi, soutenu par l’espérance, l’amour s’élance. Le comble de la foi, c’est l’amour.

Isabelle Parmentier

Service Diocésain de Formation en Yvelines